Italien, Cris Shape se nomme dans le civil Cristian Camporesi. Depuis 25 ans, il officie en tant que producteur, sound designer et performeur live. Ce Shaped to deform est son nouvel opus, nimbé de vagues froides et crépusculaires. EBM groovy, séquences agitées et guests de choix, dont les toulousains de Blind Delon ou encore Velvet Kills, tous deux signés sur le même -excellent- label (Unknown Pleasures Records), contribuent à élever les titres de l’artiste, aguerri. Le panel présenté s’en retrouve accru. C’est toutefois HIV+, l’homme au parcours de 3 vies, qui intervient sur l’inaugural Praefation. Nébuleuse, l’ouverture s’apparente à une plongée dans le cosmos. Chant lointain, comme brumeux. Trame noire. On est captif. Near to silence, en suivant une voie tout aussi sombre, referme le clapet. Ses motifs crépitent. C’est ici à Maman Küsters, paire brestoise incontournable, que je pense. Fuori dal fango, opaque, fonce et susurre. Son chant se fait vindicatif, I’m dancing in the dark baby! C’est alors que les gaillards de Blind Delon, armés de leur côté d’un récent et impeccable Chimères, balourdent du cold cosmique sur l’appuyé Walk alone. Pour le coup, c’est plutôt collectivement que la marche se met en branle. Ca profite à tout le monde et en premier lieu, à ce disque insoumis.
Les guys from Toulouse, non contents de se pointer une première fois, reviennent avec Mind. A nouveau spatial mais enlevée, vocalement « robotique », la chanson fait feu de tout son. IV Horsemen, ensuite, étoffe un Silver eyes sorti des nuages. Nos membres se meuvent, frénétiquement. L’ensemble est remuant, ses boucles défrisent. L’Italien a du chien, il convie et dévie. Ses hôtes, à la fête, sont en l’occurrence à bonne école. Holy ron arrive, la capsule monte plus haut encore. Là où les cieux, chargés, virent au gris foncé. L’énergie perdure, elle semble s’opposer au côté céleste du tout. Elle en est même, quand on prête l’oreille, le parfait pendant. Jump in the water apporte une touche indus aux sonorités acides. Des accents rock cold le portent. A chercher la faille, on perdra son temps. Employons-le plutôt, par conséquent, à investir Shaped to deform. On ne sera pas dans le regret.
Diss out feat. Dave Inox, au vocaux déchirés, fera même grandir l’emprise. Chez UPR, le label d’accueil de l’objet, on ne plante jamais. Le catalogue se remplit à grande dose d’ouvrages impliqués, vrais dans l’attitude et le cul assis sur les conventions. Shidevari file, breake. Ses bruits trouent la nuit. Shape est en forme (elle était facile, merci pour l’indulgence), sans connaitre ses efforts précédents je ne doute pas une seconde de leur bien fondé. Eat the bankers feat. Black Asteroid malmène les voix, démoniaques. La cloche sonne, puis les vagues sonores déferlent. Le rythme va bon train. Heaven street (D16 cover) est martial, comme un bon vieux Front 242. Enfin, c’est mon impression. Les synthés imposent un discours volubile, sans en rajouter cependant. On se prépare alors à redescendre mais Cris feat. Velvet Kills (on est, décidément, entre artisans confirmés), débridé, va au clash. Electro-cold, cadencé et à danser, il fait rebondir l’équipée, telle une boule de flipper, vers d’autres recoins.
Trêve de blah blah, le résultat est là. Sans une once de lassitude, Shaped to deform maintient sa tenue et ne tient pas en place. Synth-wave, dark-wave, EBM et quoi encore, l’essentiel tient là en un rendu accompli, un de plus dans le carnet de route de l’auteur et de sa structure d’appartenance.