Grec, Johnny Labelle s’essaye à une pop de crooner orchestrale, ténébreuse, qui depuis son Cold Fruit (21 mars 2019) charme son peuple et l’envoûte quand, séductrice, elle pose sur nos épidermes son velours classieux, dark et fatal. En quelques titres racés, faussement avenants, l’artiste de chez Inner Ear Records conquiert les âmes, fait pleurer un saxophone, celui d’ Owen Callahan qui, à l’occasion de The Dolphins qui se présente le premier, met du suave dans un registre lancinant. D’emblée, l’ambiance nous tire par la manche. Dans une douceur mesurément souillée, la magie opère. Doppelgänger ne se presse pas plus: de sa lenteur, sur de son effet, Labelle fait un atout décisif. Il choisit, pour continuer à plaire, des sons discrets et se base sur l’accroche climatique. Rien ne lui va mieux, AK fait étalage de la même sobriété dans les apparats. En rajouter, surenchérir, n’est pas de mise. Dans une sorte de gravité chantée avec tenue, le disque renvoie une immense intensité. Ses atmosphères, auxquelles on ne peut opposer de réel refus, se succèdent jusqu’à raffermir leur emprise.
In the sun, aussi solaire qu’assombri, resserre le doux étau. Sans violence ni virulence, mais en remplissant l’espace, XVIII transpire un sentimentalisme gris, comme désenchanté. Une pop sans conventions ni plan prédéfini. On pense, de temps à autre, à une new-wave désossée, veloutée, à la prestance vocale bluffante. Quand on dispose d’un tel organe, nul besoin d’en faire des tonnes Oh, le propos s’anime, superbement (Beginning of the end). On n’a pas fini, ce XVIII, de se le perfuser à toute heure. Visceral, qui ne l’est pas, fait gicler des vagues sonores embrumées, un brin shoegaze. Disillusionment l’imite mais dommage, il est trop bref pour complètement convaincre.
Ce n’est rien, l’album a d’ores et déjà raflé la mise. Reposant, rassérénant mais, dans le même temps, déviant de manière distinguée, il n’a de cesse de différer, de poser une patte certaine. Court dans sa durée, bien plus long dans ses effets, l’effort de Johnny Labelle fait montre de personnalité. Imprégné, l’auditeur y trouvera son compte. Ses doux remous, sa trompeuse douceur en font un compagnon à part, feutré, c’est un fait, mais également décalé. Inner Ear Records, décidément d’importance, étire sa flamboyante collection. On lui en sait gré; on ajoutera la rondelle, sans attendre, à la liste des structures sûres. Dans le même élan, on surlignera d’un trait appuyé cet artiste, Johnny Labelle, vertueux et investi. J’épilogue, c’est un tort car seule l’écoute impliquée, au final, peut vous révéler toute la portée d’une série de titres merveilleux.