Rien Faire, c’est un trio d’contrastes. Vacarme et poésie, angélisme et foutracité (je viens de l’inventer, ça vient de foutraque), dans son univers, s’imbriquent et se télescopent jusqu’à générer un bazar décalé, assez captivant une fois qu’on en a pris toute la mesure. Ce disque éponyme est le premier album du clan qui lie Marie Daviet (Claviers, cornet, voix), Lucas Hercberg (Basse, grosse guitare, voix) et Corentin Quemener (Batterie, carillon, voix). Un EP est sorti en avril 2019, détonnant déjà à la cadence d’une fantaisie sacrément rafraichissante. On continue donc, ici, à marier les contraires. Le ciel est mou lève le voile, aérien, porteur d’un chant posé. Synthés et batterie agitée l’accompagnent, on perçoit d’emblée une tendance à dévier. Le doux tumulte, en écrin à deux voix unies dans la douceur, persiste. Festivillage suit, ludique dans ses sons. Son électro-pop s’emballe, ses sonorités, elles, emballent. Rien Faire ment, il fait ici preuve d’une activité foutrement créative. La racle route, doué de ruades noise délectables, se met à table. Le panel, au bout de seulement trois titres, est large.
L’instrumentation, en parallèle, voit des ailes lui pousser. Intenable et versatile, elle fait l’attrait d’un album personnel, donc intéressant. C’est chez Dur et Doux que ça sort, le même jour que le nouvel album du Grand Sbam. Notez-le bien, ces deux ovnis musicaux embelliront le terme de cette année pérave. Grésillements noisy, sur ce même titre, et organes sages vont de pair. Au fur et à mesure de l’écoute, on s’amourache de ce foutoir doté de sens. La basse groove façon Primus, on en sautille presque. Non, pas presque. On dansote, heureux d’entendre une rondelle qui fait la belle mais sait aussi jouer la canaille. Tout ça sans qu’on s’en aille. Nein, on reste en place et à l’écoute, content d’avoir du miel pour nos écoutilles.
Etre vieux, lo-fi et bricolé, avenant et déviant, bruisse sur son terme. L’oiseau poupe valide le constat, clair et net, définitif; Rien Faire ne ressemble à rien. Ca lui va bien: désireux de s’émanciper, il n’en devient que plus probant encore. Et puis mieux vaut ne ressembler à rien (de déjà connu) que ressembler à tout le monde. Pas des moutons ceux-là, quand bien même leurs ritournelles renvoient, régulièrement, leur lot de douceur. Les écarts s’y cachent, tel celui qui met fin au morceau en question. Et puis c’est très musical, conçu avec une généreuse dose d’imagination. Qui stimule l’imaginaire. La viande de ta famille, aux secousses bourrues, repose sur des vocaux une fois de plus légers. Sans genre, sans règles, Rien Faire n’en a rien à faire; il suit ses tracés, jamais trop réguliers. Sombre jambe et Jambre Gilles, groovy et remuant, n’affine pas le trait. Surtout pas, ça serait trop cadré. Sa voix d’homme hurle, narre et puis c’est marre. Trop bon l’machin. Le titre part en live, malgré les restrictions liées à la période. Jauge illimitée, salle pleine comme le Puy du Fou « sous dérogation ».
La fleur intestinale, plus loin, jette des sons « encore un coup » malins, pas loin de l’enfantin. Puis il gronde, balance des éruptions bouillonnantes. Chez Dur et Doux, et par conséquent chez ses artistes, on ne Fait Rien qui puisse être qualifié de prévisible. Pour ça on les aime, Morceau de choix le bien nommé vient alors nous griffer amicalement sur plus de sept minutes. C’est le Grand Sbam, ce disque de Rien Faire qui ne cesse de se défaire. Pas étonnant que les deux groupes sortent de leur coquille le même jour. Et comme pour confirmer la tangente empruntée, Tous les jours depuis hier (mince, ça fait un bail!), tout au long de treize minutes faussement peinardes, finit dans l’délire là où beaucoup servent, pour terminer, un truc policé et ennuyeux. Rien Faire, voilà la recette rêvée pour résister à l’époque, pour surnager dans les eaux d’un délire d’état que la musique, celle qui se passe de normes surtout, aide grandement à atténuer.