A quelques dodos de la sortie d’un épatant « Collector », aux nombreuses collaborations de choix, Chapi Chapo nous parle de son projet, joueur et décalé, basé sur le jouet et le jouer…
1) Chapi Chapo, est-ce avant toute chose la garantie pour toi d’un lien indéfectible à l’enfance, un refuge contre l’âge adulte et son lot de soucis, absurdités et j’en passe ?
Il est sûr que mon rapport aux jouets est un lien direct à l’enfance. Je passe mon temps à jouer, dans tous les sens du terme ! Cela fait bien longtemps maintenant que je n’ai pas touché de vrais instruments. A la base, je suis flûtiste. La pratique de la musique par les jouets m’est suffisante, tant ma collection est importante et variée. Certains jouets ne sont que sonores, quand d’autres sont très proches des vrais instruments. Comme les synthés, toy pianos ou autres flûtes. Le fait de jouer sur des vieux jouets, esthétiquement beaux, me plait énormément !
2) Comment t’est venue l’idée d’amasser des jouets musicaux de toute sorte ? Ca doit être un sacré trip, de chercher à les dénicher (et d’y parvenir!)…
J’ai fait partie de groupes de musique dès mon adolescence. Avec la démocratisation de la musique assistée par ordinateur, j’ai eu envie de créer ma propre musique. A la maison, quand je le désirais. A l’époque, j’attendais mon premier enfant. Je pense que cette attente a été l’élément déclencheur. Au début, j’ai commencé à enregistrer des petits morceaux mélancoliques que j’offrais sur CD-R à ma famille, avec ce que j’avais sous la main : mélodica, glockenspiel etc. Puis j’ai trouvé un piano Michelsonne, la Rolls Royce des pianos jouets, dans un Emmäus.
A partir de là, j’ai découvert d’autres pianos jouets par internet. Puis de jouets à cloches puis tout un tas de familles de jouets musicaux. Je suis rentré dans ce monde d’un coup, et j’ai commencé à en amasser beaucoup. J’adore les vieux objets. Fréquenter les lieux de vente de vieux objets est pour moi une passion. Ma compagne, elle, est artiste plasticienne et utlise également des vieux objets, des poupées. Il arrive même qu’elle me pique des jouets pour ses œuvres ! Pendant longtemps, j’ai privilégié la quête de jouets acoustiques, puis, il y a trois ans environ, j’ai commencé à aller voir du côté des jouets électroniques. C’est ainsi que j’ai commencé à enregistrer « Collector ».
3) Pour en venir à Collector, ton dernier album en date, que signifie son intitulé ? J’y vois presque, depuis mon naïf regard extérieur, un éclairage sur son caractère singulier…
Le titre de l’album vient du fait que j’ai utilisé beaucoup de beaux jouets. Rares et aux sonorités très intéressantes…
4) Avais-tu en tête, ayant utilisé 73 jouets musicaux vintage pour ce disque, une idée précise de ce qu’il allait donner ?
Non, je ne crois pas. Mais, très rapidement, dès les premiers morceaux, j’ai senti que le côté électronique allait être beaucoup plus présent que par le passé. Et c’est une orientation artistique qui me plaisait bien. Cela m’a permis, je crois, de faire quelque chose de différent, par rapport aux albums précédents qui étaient plus acoustiques.
5) Les collaborations y sont multiples, issues de l’indé convaincu. Comment arrives-tu à t’assurer la présence de personnes comme GW Sok de The Ex, ou encore Jad Fair et Troy Von Balthazar ?
Ma première collaboration avec G.W. Sok date de 2012 il me semble. Je l’ai contacté peu de temps avant qu’il ne décide d’arrêter son aventure au sein de The Ex pour se consacrer à de multiples collaborations. Sa voix, son style me plait beaucoup. J’ai eu l’occasion de le voir plusieurs fois sur scène. Depuis, nous avons fait 4 morceaux ensemble. Pour « Collector », je lui ai proposé de chanter sur un morceau très dansant, rigolo. Encore une fois, il a accepté de jouer le jeu, et, encore une fois j’ai été très content de sa contribution.
Pour Jad Fair, l’idée m’est venue après l’avoir vu en concert avec Half Japanese. Il a une présence incroyable et un style bien propre à lui qui me plait depuis longtemps. C’est toujours une immense excitation que de découvrir la contribution d’un chanteur ou une chanteuse, car le morceau prend un nouvel élan, une nouvelle tournure. Et je suis toujours heureux du résultat.
6) Donnes-tu, à ces artistes aguerris au parcours richissime, des directives précises, un cadre d’intervention bien déterminé ?
Non, pas du tout. Je les laisse libre d’interpréter ma musique comme ils le souhaitent, de raconter ce qu’ils veulent.
Photo: Jérôme Sevrette.
7) La formule dont tu uses permet la tenue de spectacles très divers, dont certains s’adressent bien entendu aux enfants. Quelles sont leurs réactions à ce que tu proposes ?
En effet, avec mes collègues musiciens, nous faisons des ciné-concerts sur des films d’animation polonais des années 60 depuis une dizaine d’années. Nous faisons également des siestes musicales pour les bébés et leurs parents et des concerts dessinés. Prochainement, nous jouerons dans une chambre d’enfant des années 80. Notre chambre d’enfant ressuscitée, en quelque sorte. Les adultes qui accompagnent leurs enfants sont souvent émerveillés de retrouver leurs jouets favoris sur scène. Cela les amuse beaucoup de voir l’utilisation que l’on en fait.
8) Prévois-tu à l’avenir d’accentuer sur les Siestes Musicales que tu mets en place, histoire de permettre à ton public de fuir, en ta compagnie, une réalité actuelle bien difficile ? 🙂
Nos siestes actuelles s’adressent à un public très particulier puisque ce sont des humains de 0 à 2 ans. Bien sûr, les parents y trouvent aussi leur compte. Mais il n’est pas à exclure de jouer un jour des siestes musicales pour les grands, plus longues, et pourquoi pas au milieu de la nature. La nature est omniprésente dans ma vie. Je la chéris et j’y vit en permanence. Je passe beaucoup de temps à développer un maximum la biodiversité dans mon environnement proche.
9) Sorti en plein (re) confinement, conçu peut-être sur la période de confinement initial, Collector a t-il subi les circonstances ou, au contraire, s’en est-il « nourri » pour affirmer son contenu ?
L’album était quasiment terminé au début de l’année 20. En revanche, le mixage, lui s’est fait pendant le confinement. C’est le Rennais Thomas Poli qui s’en est chargé. Ce n’était pas simple car j’ai passé la majorité du premier confinement sans internet. Une longue panne inexpliquée. Il fallait donc que j’aille télécharger les mix là-haut, dans ma petite montagne arréenne (Monts d’Arrée), là où je captais suffisamment, pour lui faire un retour. C’était très cocasse. Je pense que j’ai fait une cinquantaine d’allers-retours. La création de cet album a duré deux ans. C’est long. Cela s’explique par le fait que j’ai été coupé dans mon élan.
En effet, un projet local de centrale à gaz inutile, polluante et très coûteuse a monopolisé tout mon temps afin d’essayer de la combattre. J’allais occuper les lieux presque tous les jours. En vain, cette centrale est train de se construire. Il n’est pas simple de se battre contre Total, les plus gros poulleurs de la planète. La majorité des militants ayant été envoyés devant les tribunaux ce qui a eu pour effet de casser le mouvement.
10) J’ai été interpellé par le nom, Music from the Masses, du label où sort ton disque. Peux-tu m’en dire plus sur cette structure ?
Music from the Masses est un label créé par Christophe et Reno, du magasin de disques Badseeds Recordshop, à Brest. C’est un jeune label qui a sorti des disques aussi divers que Lesneu, Dale Cooper Quaret & the Dictaphones, Festin ou Tropique Noir. Je leur suis très reconnaissant de m’avoir soutenu. On se sent moins seul…