Musicien finistérien, Chapi Chapo nous a déjà enchantés avec son Robotank-z (2013), et précédemment Chuchumuchu (2009), entre autres exemples de sorties joueuses, exploratrices, décalées et collaboratives à souhait. Avec ce Collector qui pourrait bien le devenir, il fait usage de 73 jouets musicaux vintage (rappelons que notre homme amasse ces objets depuis une quinzaine d’années et en possède environ 600). Pléthore d’invités prestigieux sont conviés. Jugez donc: MAXWELL FARRINGTON (Dewaere, venu en voisin donc), LAETITIA SHERIFF, JAD FAIR (Half Japanese), RACHEL BARREDA HORWOOD (Trash Kit, Bamboo), G.W.SOK (ex The Ex), EMILIE QUINQUIS (Tiny Feet, Yann Tiersen) et TROY VON BALTHAZAR (Chokebore) sont de la partie. La crème de l’indé donc, une dream-team mise au service d’un univers génial. On s’amuse comme des p’tits fous, ça blaste du son 80’s aux effluves d’enfance. J’ai à nouveau 10 ans, voire moins et When we was older (avec Maxwell Farrington), pour ouvrir la farandole, conçoit une électro-pop ombrageuse au chant de velours. Côté sons, bien entendu, c’est de la « toy music » qu’on entend. Mais pourquoi, sacrebleu, ai-je jeté tous mes joujoux??
Peu importe (quoique…), il y a ici et très largement de quoi combler le manque. Let’s pourrait illustrer un jeu vidéo, il virevolte et impose ses nappes alertes, célestes mais aussi agitées. on fait mumuse, au son de la muse de Chapi Chapo: le jouet. Collector, à l’image des albums précédents (il est le quatrième d’entre tous), ne trouvera pas d’équivalent sur la planète musique. Nothing will stand still (avec Laetitia Shériff), où intervient donc la divine autrice de Stillness, joue une forme de trip-hop groovy, coloré par son chant, qui étend l’éventail sonore et se fringue de sons sombres et tranchants. La voix s’y fait mutine, batailleuse à la suite d’élans songeurs.
It’s fate (avec Jad Fair, on ne se refuse rien..), en insistant sur ces sonorités pour kids, sur l’organe typique de l’invité, fait mouche à son tour. Entre bruits d’enfant et ludisme adulte, on parvient là à créer un rendu addictif de bout en bout. Bluffant, Chapi Chapo livre dans la foulée un instrumental, nommé Hot lixx, aux boucles qui pulsent. Mazette, le mec sait grave y faire! Le morceau propulse une électro alerte, pas moins captivante que le reste de l’ouvrage. Une voix robotisée apparaît brièvement, je m’étais donc mépris: il s’agit donc d’un « semi-instru ». Qu’importe, on en sera bientôt dingue. The hurdles (avec Rachel Barreda Horwood), dans sa rêverie enveloppante, provoquera la même dépendance. Achetez ce disque, il chassera la grisaille et ravira la marmaille!
Surtout qu’avec No no no no no (avec G.W. Sok), le Hollandais culte y va de son chant racé et délirant, en phase avec la pluie de sons « maison » et sur une cadence élevée. Les featurings, comme de coutume avec Chapi Chapo, permettent à Collector d’endosser un joli costard. Seller Keller (avec Tiny Feet), orné d’un vocal féminin séduisant, lui donnant un brillant supplémentaire. Le titre est vivace, comme la plupart de ceux que compte l’opus. Tiny Feet, sur les traces de Laetitia quelques instants plus tôt, s’y emporte pour ensuite revenir à du sucré charmeur. On ne résiste pas. Autour, l’imagination de Chapi Chapo fait le reste. Avec grand brio. On est épris, on s’attache à Collector car on sait aussi qu’on ne pourra profiter ailleurs d’une telle mixture, ingénieuse et plutôt aisée à appréhender.
Old toys (avec Troy Von Balthazar, wouhou!, m’exclame-je), sur une note apaisée, s’envole pour donner le dernier coup de pinceau. Le leader de Chokebore, de son filet de voix doux, nacre le final. Là encore, on succombe. Collector, sorti sur le label brestois Music From the Masses (Musique Venue des Masses?? Alors ça, ça m’étonnerait tant le catalogue s’emploie à honorer le personnel), est l’un des musts de cette fin d’année. Il détient, de plus, le pouvoir de nous aider à combattre le quotidien en nous replongeant, de par ses sons et climats, dans un écrin en phase avec nos plus jeunes années: celles du rire et de l’insouciance.