Fondé par un membre de Boucan, en compagnie d’un acolyte de cette même formation (Brunoï Zarn, guitariste), du violoniste Mathieu Werchowski et du batteur Laurent Paris, Imbert Imbert a pu compter, pour la sortie de ce Mémoires d’un enfant de 300 000 ans, sur les services d’Oz Fritz (Tom Waits, Bill Laswell). Le clan évolue dans un rock en français « violonisé », donc, parfois de façon déviante et tant mieux car la démarche fait son petit effet (Ton secret), la mouvance pouvant néanmoins ennuyer quand elle se fait trop posée. Les textes se réfèrent à l’humain, assez habiles. Le titre éponyme « première version » ouvre avec rage et ferveur, on s’attend alors et de façon enthousiaste à un répertoire mordant, où le lyrisme du violon épaule l’énergie rock pour servir un ensemble solide. Malheureusement et si cela n’empêche que partiellement l’impact global, la vigueur retombe ensuite. Tous les crocodiles ondule, dans un entre-deux au sein duquel retenue et débordement imminent cohabitent sans que la crue n’arrive…ou alors de façon modérée.
L’amour tentacules suit, sa lucide poésie attire l’oreille. C’est ici le climat, aussi, qui suscite l’intérêt. Feu de toi s’annonce remonté, demeure toutefois bridé. Mais valeureux. Arrive alors l’orage, Imbert Imbert excelle dans ce créneau fiévreux. Ca « redescend » ensuite mais qu’importe: c’est selon moi, et ça n’engage que ma personne, dans ces envolées incandescentes que les musiciens touchent réellement au but. Ailleurs et sans que le rendu soit mauvais, loin s’en faut, je m’ennuie quelque peu. C’est le cas sur Ton secret, bon certes, zébré d’incrustes sonores valables, mais dont j’aimerais qu’il s’embrase franchement. Pourtant Imbert Imbert, en dépit de sa « prudence, » dégage du style. Le second titre éponyme, Mémoires d’un enfant de 300 000 ans II, le démontre en se parant d’encarts canailles.
Les mots portent, les ambiances accrochent ou font qu’on décroche. Les crochets des atomes l’illustre. Cependant, je reste dans l’attente. De fièvre, d’élans. Casser des oeufs, emporté, bouillonnant, me comble. Colomba est beau, mais me laisse de marbre. Tu manques à la musique, au fond ombragé, n’a pas moins de chien mais nene me conquiert pas. L’opus, je me répète mais l’impression est nette, manque de nerf. Son âme est là -et non lasse-, mais le rendu se veut bridé malgré la grandeur de ses mots. Mémoires d’un enfant de 300 000 ans III, auquel il revient de conclure, validerait d’ailleurs le constat…s’il n’offrait pas, terminalement, des lézardes soniques bienvenues. Bien ouvragé, inspiré dans son verbe, l’album pêche par l’éparsité (néologisme) de ses envolées. Hormis cela, il « dispose de toutes les dispositions » pour imposer ses plages et assied la personnalité, musicale et grammaticale, d’un Imbert Imbert à la discographie par ailleurs fournie.