Basé à Aix en Provence, Jim Younger’s Spirit fait dans le psyché à la Limiñanas, qu’il décline comme le combo de Perpignan avec grâce et fuzz, et à sa sauce,depuis plusieurs sorties déjà. El Malpais est son nouvel album, il tire son nom d’une région volcanique du Nouveau Mexique. Orgues, maracas et autres tambourins viennent enrichir le panel, consolidant une personnalité déjà ben assise. Polar Younger, la chanteuse, narre avec douceur et ombrage l’histoire de Jim Younger, partenaire de braquage de Jesse James, qui combattit pendant la guerre de sécession pour la guérilla confédérée, pour finalement finir sa vie avec des idées humanistes, avant de se suicider. Tout un pan de vie que le clan, dans des dispositions évidentes, retranscrit avec une belle tenue. The devil’s working on her mind, dans un rock épicé et bien racé, amène d’emblée une énergie, teintée de ces guitares fuzzy qui souillent le tableau, notoire. Newcombe aimerait; pout notre part, en parfaits égoïstes, on prend tout pour nous. Black boy, dans une étoffe psych-folk soutenue, luxuriante, transforme l’essai. S’il semble avenant, le morceau se gave de fuzz, en sa fin, tout en restant foutrement beau.
Des sujets dignes d’intérêt, sur le socle de ce Jim Younger déviant avant de muer positivement, sont abordés. Ca ajoute, bien entendu, à la portée d’un disque qui ne livrera aucune faiblesse. Girl from the mountain country progresse lascivement ou presque, dans le climat j’entends, un peu, Elysian Fields. C’est aussi sa capacité à dresser des ambiances obscures et satinées, jonchées de styles divers (folk bien sur, mais aussi blues et americana) et bien disséminés, qui distingue le groupe. C’est le cas sur le titre éponyme, aérien. Goin up the trail, sur un ton plus alerte mais toujours léger, semblable à ce que font les Dandy Warhols quand leur pop vole tout en demeurant acidulée, souffle à son tour, dans le même temps, classe et atours détendus un brin griffus.
L’espace de huit titres, la magie opère. Northfield, MN joue un blues sombre, l’Americana guette, pure et animée. Classieux sans être classique, Jim Younger’s Spirit signe une ribambelle de morceaux achevés, de nature à camper ses bases plus solidement encore. Ses chansons, derrière des aspects posés, livrent des plans plus sonores, plus rugueux. Certains sons dépaysent, dans le décor j’ai aussi la sensation, quelquefois, d’entendre Giant Sand. C’est dire si El Malpais a du chien, à l’image de The haunted hunter qui croise les voix. On ne faute pas: Diego Lopez: guitar, bass, keyboards; Polar Younger: vocals, saxophone, jews harp; Baron: bass; Vincent Maurin: guitar et Chris Parre: drums, au collectif rodé et soudé, font merveille. Notons par ailleurs que mister Lopez a créé son propre label, sur lequel sort donc le disque. Ca sent le DIY, de ce fait l’authenticité de l’effort n’est plus vraiment à prouver.
C’est avec Hush a bye, dans un folk dénudé un tantinet troublé dans ses bases arrières, que se termine le voyage. C’est du tout bon, du cousu -et joué- main, que Jim Younger’s Spirit nous administre là. On débourse sans râler, l’opus vaut la dépense et viendra se poster en toute légitimité dans la liste grandissante des réussites de France.
Photos: Cyril Becquart.