Prévue à la base fin novembre, donc sous peu, la sortie du Tombola de Rest in Gale, groupe de Romainville à l’éventail captivant, entre déjante et élégance, est finalement repoussée. Tant pis, j’écris car leur opus vaut toute l’attention possible. Ce n’est pas le premier effort de la clique, 2 eps sont déjà sortis et pour le coup, on est embringué dans un tourbillon où rode le fantôme d’un Nick Cave, entre voix qui pose son velours ou sa gravité, se feutre ou s’endiable, et instrumentation de fête foraine ou de cabaret, versatile et jamais figée. Musicalement, ça joue bien et même plus. On brode de belles étoffes, le titre éponyme amorce d’ailleurs les choses magistralement. Dans une atmosphère déliée mais aussi viciée en son fond, les chants se lient et s’allient. Il y a dans l’ouverture en question une ferveur retenue, qui déjà éveille l’intérêt. Amari, plus agité, confirme les évidentes possibilités de la troupe. Sa magnificence turbulente fait la différence, l’arrière-plan est enfumé et le ton remuant.
On est aspiré, déjà, par la vague de démence sonore qui se profile. Page blanche, posé pourtant, met d’emblée la voix en évidence. A chaque salve, le dépaysement est de mise. L’aérien, en l’occurrence, domine. Mais Is it better?, comme pour en prendre le contre-pied, se montre plus virulent sans, toutefois, complètement entrer en éruption. Des voix féminines l’allègent, on se situe encore au mitan d’un tissu de choix et d’embardées qui dérapent. (Oh la la la, oh la la la, oh la la la ), c’est magnifiQUE!, dirait un certain Arno. Le tempo monte d’un ton, le tout est parfaitement exécuté. Je m’en frotte les mains, déjà certain de la portée de cette énième trouvaille hexagonale. Bateau ivre, qui tangue avec classe, unit lui aussi les voix et déploie des atours aussi élégants qu’acidulés.
C’est un peu, oui, le bateau ivre. Continuellement ou presque. De gueules de bois inspirantes en retombées -faussement- apaisées (Pushful girls), Rest in gale titube jusqu’à atteindre l’excellence. Ca me rappelle, ce joyeux bordel aux belles ritournelles, les Strasbourgeois de Crocodiles. La cadence se réhausse, une fois de plus, d’un bon cran. La beauté persiste, prise dans un flux de folie salvatrice. I.S.H.A suit, l’opposition entre chant de crooner wild et organes lyrico-dingo fait sensation. Sur le plan sonore, Rest in Gale continue à flamboyer. Ma conviction est faite, ces gars-là sont en capacité d’aller titiller les grands. Dream(z) chlingue le brio, l’unisson vocal valse et dévie. Le morceau se fait piquant, se hérisse. Les tambours raffutent, annonçant une fin d’album de première main. The evil electric fall a de la gouaille dans le chant, son costard est resplendissant. Il lui manque, toutefois, un ou deux boutons et quelques fils apparaissent car chez Rest in gale, on a l’art de faire dans le déglingué truffé de panache.
On peut, aussi, faire dans le dénudé comme l’atteste Sweet disease. La plage de fin sonne comme un retour à la réalité, encore un peu hagard. Julien Howler, Voix; Will Rains, Guitare; William « Bul » Montgomery, Clavier; Volker Saux, Basse et Louis Nadau, batterie, accompagnés d’une kyrielle d’invités qu’on n’a pas conviés pour boire le thé, signant une Tombola gagnante, dansante et tournoyante, un brin éthylique et euphorique, de qualité optimale.