Paire malaxant allègrement électro-punk/électro-clash, punk-rock et électro bondissante, le féminino-masculin Myciaa répond aux questions de Muzzart….
1) Pour commencer, comment est né Myciaa ? Je suis sûr que l’amertume à l’état du monde a contribué à la fondation du projet …
L’idée était d’abord de faire de la musique de façon simple, on s’était dit que le duo était la forme la plus évidente pour faciliter la création et les répétitions – on ignorait qu’on avait tort ! –. À deux c’est quand même plus facile de répéter n’importe où et donc n’importe quand, et d’aller dans la même direction.
Nous avions déjà fait de la musique ensemble avant, nous avions notamment formé un trio post-rock vers 2006 qui s’appelait Permanent Marker – deux basses et une batterie , avec le meilleur batteur du monde : Julien S. qui tient désormais le chant dans un de ses nouveaux projets nommé Sunbather.
2) Vous sortez des disques depuis 2008, qu’y dites-vous et d’après vous quels sont les « ingrédients » qui vous permettent de vous inscrire dans la durée ?
Ces morceaux nous permettent de partager notre vision sur des questions de l’actualité ou de l’histoire, sur fond de sujets qui nous tiennent à coeur tels que le féminisme , le végétarisme, l’anti-racisme …
Force est de constater qu’on n’est jamais très optimistes !
L’ingrédient qui nous permet de nous inscrire dans la durée, c’est simplement l’envie de continuer, parce qu’honnêtement rien d’autre ne nous y pousse. Les tournées de concerts dans des pays étrangers ont toujours été notre principale source de motivation, c’est ce qui nous plaît le plus dans le fait de faire de la musique. Nous faisons des morceaux parce que nous aimons jouer de la musique et que nous avons des choses à dire; alors on enregistre des disques pour pouvoir le partager, et nous continuerons de le faire tant que nous en aurons encore envie, et que quelques personnes s’y montreront réceptives .
3) Rock, punk, électro/électro-clash, synthwave et voix qui se répondent (Common sense par exemple, qui m’évoque Gomm, sur De la violence ordinaire), féminité braillée, relents indus, zébrures cold. Quel pachtwork ! Comment en êtes-vous arrivés à un rendu aussi large ?
Effectivement vu comme ça, ça ressemble un peu à un pot-pourri ! Mais un pot-pourri proche des groupes que nous aimons écouter, donc ceux qui nous influencent évidemment. Il faut dire que les outils que nous avons sous la main guident aussi beaucoup ce que nous produisons. En 2008 nous étions partis avec guitare/basse/batterie électronique, c’était peut-être un peu plus proche du punk-hardcore; puis au fil du temps nous avons investi dans des claviers qui offraient plus de possibilités et qui nous ont donné envie d’explorer de nouvelles sonorités.
Ces claviers ont pris beaucoup de place dans nos morceaux et tout ça nous a amené à affiner les sons de la batterie, et ainsi de suite … Petit à petit ça a fini par infuser dans notre façon de concevoir les morceaux, tout en gardant nos racines punk-hardcore. C’est ce qui fait que De La Violence Ordinaire (2018) et si différent de Twice Told Stories (2008)…
4) Pour en revenir à De la violence ordinaire, dernier opus en date, préfigure t-il la « mauvaise gueule » de la société actuelle ?
Effectivement, dans tous ces derniers morceaux on aborde pas mal de sujets de société de façon plus ou moins concrète, … C’est d’ailleurs pour ça qu’on a choisi ce titre pour les regrouper. Toujours teinté d’optimisme évidemment ! (On aime bien les chansons d’amour, mais on ne sait pas en faire).
Globalement on ne fait qu’observer ce qui se passe autour de nous depuis des lustres, puisqu’il n’y a pas beaucoup d’évolution on peut dire qu’il s’agit de la société actuelle effectivement !
5) Limoges, dont vous êtes issus, surnage t-il musicalement, et humainement, au marasme ambient ? Sa scène est visiblement très riche et de qualité…
Nous trouvons que Limoges dort bien tranquillement malheureusement – au niveau culturel en général depuis longtemps. C’est vrai que si nulle part en France (et ailleurs) l’époque n’est propice à aucune effervescence ni de concerts, ni de création de projets, nous avons quand même la chance d’avoir des groupes qui perdurent et c’est très bien – s’il faut relativiser. Mais la vie musicale à Limoges décline depuis un moment , même avant ce « marasme » 2020 les concerts ne tenaient déjà plus qu’à un fil, grâce à quelques associations qui portent les choses à bout de bras, dans un lieu (et demi) qui subsiste [Exécution Management (métal), Hiero (indé – electro), Show Set (punk-rock), Do It Yourself (punk), etc.].
Évidemment dans le contexte actuel on peut considérer que cela n’est pas si mal de constater qu’il y a quelques groupes, à Limoges et autour qui continuent de faire des choses malgré tout. Parmi ceux qui ont sorti des choses récemment (vidéo ou disques) : Phaon, Mr Godson Will The Last One To Survive, 7 Weeks, Dirty Rodeo, … et il y a même des projets tous neufs qui se montent comme The Shadies (Théo de Mama’s Gun et Rémi de Weird O’ Men).
6) Que vous apporte le projet Myciaa ? Vous y oeuvrez en duo, c’est selon vous la formule idéale ?
C’est vrai que le duo offre pas mal de possibilité : assez d’émulation grâce à l’autre pour avancer, et assez de liberté pour pouvoir s’exprimer individuellement aussi. Pour autant, le travail en binôme présente aussi des inconvénients auxquels il faut faire face c’est pour ça qu’à mon avis ça n’est pas la formule idéale, si toutefois il y en a une ! Mais on a la chance d’avoir trouvé notre équilibre à deux, c’est peut-être un des « ingrédients » qui nous permettent de durer, si je peux faire référence à ta question précédente …
Cela dit, nous avions déjà eu la chance d’intégrer d’autres musiciens au projet, qui avait alors pris la forme d’un quintette (deux batteries, deux guitares, basse), et finalement d’un quatuor – avec un seul batteur : avec Romain J. (Radium Valley) , Alfred D. (Cold Cold Blood entre autres), Fred T. (No Glory). C’était une bonne expérience pour nous, qui, malgré le fait que nous soyons retourné au duo, nous laisse encore l’impression d’être à géométrie variable. C’est pour cette raison que nous n’éliminons pas complètement l’idée de jouer à nouveau avec un vrai batteur un jour – surtout pour les nouveaux morceaux qu’on est en train de finaliser.
7) Parvenez-vous à jouer régulièrement sur scène, et quel accueil vous y est réservé ?
Les concerts est ce qu’on a privilégié pendant longtemps, le groupe a toujours été un bon prétexte pour voyager loin, parce que c’est ce qui nous plaît le plus. Nous sommes allés plusieurs fois en Asie, Japon, Corée, et régulièrement en l’Europe de l’Est et dans les pays Nordiques. C’est d’ailleurs souvent au fin fond de l’Europe qu’on a trouvé le meilleur accueil, et donc dont on garde les meilleurs souvenirs.
Évidemment en Novembre 2020 c’est compliqué de se projeter dans des concerts, tout est en train de mourir, on espère juste que ça ne va pas durer éternellement, mais c’est difficile d’être optimiste. Au final, nous n’avons pas joué en concerts depuis Février 2020.
8) Ca doit être un sacré foutoir pour établir une set-list, non ? Quand on voit le nombre de vos sorties discographiques….:)
Ahah ! On a pas mal de choix effectivement, mais il y en a qui sont d’office sur la liste parce que ce sont nos préférées, et au contraire, d’autres qui sont évincées du jeu immédiatement car elles ne rendraient rien de bien en live. Il est rare que nous dépassions les 40 minutes de set, parce que nous préférons que ce soit intense, alors effectivement ça nous amène à une sélection souvent drastique, même si nos morceaux ne sont jamais longs ; il faut faire des compromis !
Nous avons la contrainte non négligeable d’être seulement deux dans notre équipe, forcément ça demande un peu d’organisation et d’imagination pour jouer les morceaux qu’en studio on enregistre avec plusieurs instruments – toujours à deux mais piste par piste. Ça n’est évidemment pas possible de jouer tous les instruments en live, alors nous faisons des arrangements. Ce petit jeu de réarrangement ne se prête pas à tous les morceaux, donc il y a également un tri qui se fait de façon naturelle !
9) Aviez-vous à vos débuts, et avez vous toujours, le « rêve » de vivre de votre art ?
Ça n’a jamais fait parti de nos plans, on n’aurait pas choisi de crier sinon ! Blague à part, on a toujours évolué sur un terrain alternatif, c’est ce qui nous plait dans le fait de faire ce groupe également, garder la liberté totale sur ce que l’on peut faire et dire dans nos chansons. Évidemment, plus il y a de gens qui sont sensibles à notre musique plus cela a de sens pour nous de la faire, mais en vivre ça n’a jamais fait parti de nos objectifs.
10) Etes-vous attentifs à ce qui peut se faire, musicalement, autour de vous ? Avez-vous eu, récemment ou non, des coups de coeur ou encore des envies de collaborer avec telle ou telle formation ?
Nous écoutons tous les deux beaucoup de musique, et nous restons attentifs à ce qui se passe autour de nous. Il y a beaucoup d’artistes que nous suivons comme The Faint, Atari Teenage Riot, Les Savy Fav, Meat Wave, Lysistrata etc. Au niveau des derniers coups de coeur , et en matière de scène locale, on aime beaucoup Bobby Singer qui est un projet solo screamo dont le premier disque vient de paraître ; dans un style différent, le dernier EP de Phaon « L’albatros », et hors scène locale le nouveau disque de Gaz Newton à paraître chez My Dear Recordings.
Nous avons déjà fait des collaborations sur notre album Is Every Devil Mine? (2011) : un morceau avec Burning Heads, et un morceau avec BBB. Nous n’en avons pas récemment envisagé avec d’autres groupes ou artistes, mais nous ne sommes pas fermés à cette question.
11) Avez-vous déjà en tête la sortie d’un nouvel album ? Que risque t-on d’y trouver ?
Oui nous avons quelques morceaux en cours de travaux, que nous aimerions rassembler à l’occasion, quand il seront finalisés. Un avant-goût de tout ça est écoutable : on a fait une vidéo pour le morceau Feu de Joie – on vous remercie d’ailleurs de l’avoir intégrée à votre playlist rock de Juillet –, qui fait partie de cette nouvelle session de morceaux.
Feu de Joie figure aussi sur une compilation qui vient de paraître : DV’s Anthems volume 4, sur DV’s Records de Bordeaux et on en est très heureux. C’est une compilation qui accompagne un fanzine, sur laquelle vous pouvez trouver Baby Chaos, nos amis japonnais de Gargle et de Presence of Soul, ainsi que notre ami bordelais tAk, Scheisseberg et plein d’autres groupes de qualité !