Formé en 2017 à Minsk, Molchat Doma s’inscrit entre post-punk, new (cold)-wave et synth-pop. Monument est déjà le troisième album du trio abritant Egor Shkutko (chant), Roman Komogortsev (guitare, synthés et boite à rythmes) et Pavel Kozlov (basse, synthés). Ces derniers se sont fait belle presse avec S Krysh Nashikh Domov (2017) puis Etazhi (2018), sorti chez les berlinois de Detriti Records. Sacred Bones les a depuis signés, rééditant les 2 premiers opus et sortant ce Monument enfanté sous confinement. Утонуть / Utonut’ donne le ton, il sonne un peu comme si chez la cold-wave était tombée entre les claviers de Depeche Mode. Le chant est à la fois grave et velouté, les synthés virevoltent. Il y a quelque chose de froidement paisible dans le son de l’amorce, qui déjà dévoile une belle identité. Обречен / Obrechen n’en dit pas moins, il installe un groove cold semblable, dans son côté minimal, à ce que fait parfois The XX. L’utilisation de la langue natale des trois comparses confère de façon conjuguée froideur et exotisme à Monument, uni et bien niché dans son clair-obscur.
Plus loin Дискотека / Discoteque, vivace, clippé ci-dessous, fait scintiller les synthés. La basse ponctue alertement le morceau. Le rythme est appuyé, il en ressort des côtés 80’s loin d’être déplaisants. Au son venu du froid, Molchat Doma greffe une lumière synthétique bien choisie. Et loquace, sans être envahissante. Не Смешно / Ne Smeshno est lui plus directement cold, la quatre-cordes s’y montre charnue. Le constat s’impose, Molchat Doma s’est doté d’une approche personnelle qui le met en valeur. Le dit morceau emmène l’auditeur à la moitié du chemin, parcouru avec grand plaisir. Ответа Нет / Otveta Net a les traits d’un Motorama, sur un ton toutefois plus grave et affirmé rythmiquement. En usant de motifs simples, d’accords qui mettent tout le monde d’accord, les Biélorusses signent des vignettes de valeur.
Звезды / Zvezdy complète ainsi l’éventail avec brio. On s’écarte un peu, et à nouveau, du « tout synthétique ou presque » qui prédominait sur le début du disque. Celui-ci comblera dans un même mouvement les fans de cold et new-wave, mais aussi les amateurs de synth-pop à la dynamique post-punk. La formation menée par Egor Shkutko, entre ces mouvances, a trouvé sa place et celle-ci n’est pas volée. De plus en plus reconnue, elle confirme, et plus, au son de son Monument. Удалил Твой Номер / Udalil Tvoy Nomer s’en revient à ces envolées de claviers lyriques, soutenus par la basse, qui rajoutent du charme au tableau grisé de Molchat Doma. Ленинградский Блюз / Leningradskiy Blues dévoile une belle finesse, un peu surf dans ses guitares de belle facture. On ne se lasse pas de l’univers du groupe, singulier sans s’avérer déroutant. Il est malgré tout l’heure d’en finir; Monument est court, on n’en disconviendra pas, mais de grande qualité.
C’est Любить и Выполнять / Lubit’ I Vypolnyat’ qui finit donc le travail, avec une basse à la The Cure. C’est pourtant chez Molchat Doma qu’on se trouve (bien), c’est indéniable tant le projet se veut porteur d’un rendu à lui. Un break brumeux arrive, puis on repart sur des saccades rythmiques, et notes de basse et guitare, qui sacrent un effort sans faiblesses. On est preneur, on se joindra sans hésiter au nombre croissant de « suiveurs » d’un projet décidément implanté et vertueux.