Tentative est Charlie, Tentative a vite fui la vie rangée. A 15 ans elle s’envoyait Bérurier Noir et Public Image Ltd, un peu plus tard Ludwig von 88, Can et Silver Apples. A 17 ans, elle met les voiles. Petits boulots, bourlingage total et mondial, création d’un collectif très pluriel. En mouvement, toujours, dans l’écriture, souvent (sur sa génération, il y a donc à dire..), elle écoute Kraftwerk, Ariel Pink, Liaisons Dangereuses, Brian Eno & Robert Fripp, Altered Images, White Noise (notez l’éclectisme et le désir de percuter un son décalé), et décide de mettre ses notes en sonorités. Idée lumineuse car son parcours, l’ayant visiblement nourrie et inspirée, l’amène non seulement à nous refiler un EP marqué 80’s, mais pas seulement, aux histoires de vie croustillantes, mais lui permet aussi de rencontrer Marc Collin, doté de 2 vies musicales. Ce dernier, loin de la brider, l’encourage à, sans cesse, se dépasser. Et c’est ce que fait la belle aux multiples états d’âme et Dame, auteure de ce fait d’un excellent 06h37 écoutable à toute heure.
Louis, pour lancer les hostilités (il s’agit bien, quelque part, de ça puisque le morceau parle d’un proche mort par overdose de MD), claque et se fait nébuleux, chuchoté. Puis crié, rythmé, fatal. Le son te prend mais si tu prends garde aux paroles, elles t’émeuvent « grave ». Ca commence bien: on a à la fois le son physique, qui transporte, et l’émoi moral. Pour moi, c’est la meilleure des voix. Tentative? Non, réussite. Il y a de plus, dans la zik de Tentative, une fraîcheur issue de sa jeunesse, une raillerie qu’on adorera, et pléthore de sons simples et décisifs. Un peu new-wave, un peu EBM, une louche de cold, et v’là t’y pas que Charlie gagne mes suffrages. Chlamydia groove vivement et rime comme chez Karim, on dirait un foutoir issu des 80’s mais passé au filtre de l’actuel, et surtout soumis aux belles initiatives de Charlie. Et textuellement, on est dans du vrai habilement couché. Ca na gâche rien.
Pile Pâle invite, de plus, un membre de Maman Küsters: Cyril PANSAL himself. J’adore, aussi, le duo brestois à l’univers barré. Tu le comprendras aisément en lisant mes quelques lignes sur lui dans ce zine. Mais revenons à Tentative, à ce Pile Pâle EBMisant où les deux comparses se renvoient la balle sur fond de motifs légers/troublés. On dirait Risqué, p+++++ de paire parisienne ayant sévi fut un temps dans nos terres. Diantre, fichtre et j’en passe! Charlie dépeint, là où d’autres Charlie la dessinent avec humour, la vie avec une belle acuité. Le verre solitaire -on comprendra, à travers l’intitulé, la thématique abordée-, fonceur et défoncé, installes des boucles qui défrisent. Simultanément aérien et rentre-dedans, il s’acidule et fait à son tour briller Tentative. C’est assez jubilatoire, à travers l’urgence de son jeune âge la fille aux ressentis sans fond de teint se montre clairvoyante.
Tentative se veut libre, son EP le démontre. Pertinente impertinente, elle donne au quotidien, ici, des traits graves que son effort parvient à atténuer. Elle signe, au son du terminal Prostitution, affublé d’un texte de choix, de climats dérangés, d’un organe vocal poétique dans la grisaille de ce qu’il évoque, une ultime salve à laquelle on prêtera nos deux écoutilles. Elles en frétillent et dans le même temps, 06h37 donne matière à réflexion. Signée chez Kwaidan Records, conformément à la proposition du sieur Collin, Tentative y prend place avec, d’emblée, un EP personnel et sacrément bien conçu. Un opus, comme le dit justement la bio, synthétique dans ses rythmes et rock dans l’esprit, indéniablement prometteur.