Avant c’était Buck, auteur d’un excellent Among Your Fears chez Beast Records après un live inaugural. Gros groupe, label de référence. Buck décide toutefois de migrer vers d’autres terrains musicaux et pour marquer le coup, se renomme Broken Waltz. De duo il devient trio, Pierrot Rault amenant son sax de classe. Et voilà que le combo projette la sortie de deux albums, un diptyque, dont le premier volet tient en ce A Mysterious Land Of Happiness… magnétique, déjanté mais aussi très classieux (PARIS, 16 FEB 1939 et sa voix féminine songeuse sur fond de notes jazzy élégantes et pour le suivre dignement, ce Parade lancinant et vénéneux, au chant de crooner à la Nick Cave). Je parle de l’Australien, il me faudra aussi parler, pour qualifier ce disque imparable, des écorchures sonores façon Suicide et du bricolage sans égal d’un Tom Waits, ici aussi très accompli. On dévie bien sûr, Broken Waltz n’est pas dans l’optique de se ranger ou d’embrasser la norme. LOVE & APOCALYPSE, chargé de lancer les dés, fait de suite péter le 6. Lancinant, soniquement perverti et hautement séduisant, il présente le penchant retenu du groupe. THE DEVIL HAS A BIGGER HEART, plus directement sauvage, convoque Cramps et Cave dans la même…cave.
Bordel, c’est trop bon! Le sax couine, insoumis. Les chants jouent sur leurs différences: masculin démoniaque, féminin plus pur. FRESH NEWS FROM THE OTHER suit, suivant un ton, comme sur LOVE & APOCALYPSE, magistralement bridé. Les morceaux sentent le savoir-faire à plein nez, on attend néanmoins la giclée wild, tarée de A à Z, qui enverra tout valser. HYPOCRITE – PART I, très Suicide et obsédant avec ses « Ouh-ouh-ouh » dont on ne sait s’ils proviennent d’une voix ou de machines, s’en approche. Long live with the brides dégage la même saveur éraillée qu’un Tom Waits. Si références il y a, ce qu’on ne peut occulter, il va de soi qu’elles sont assimilées avec maestria. Parade, sombre et hanté, nous en apporte un énième preuve.
Clément Palant et Xavier Soulabail, qui constituent la paire créatrice du projet, sont ici parfaitement entourés et complétés. FUCK THE GUITAR PLAYER (je vous laisse deviner d’une part ce que le titre signifie et d’autre part, à qui s’adresse l’œillade), tranchant et puissant, impose son vice et, subitement, accélère. Le saxo braille, passé la fin du morceau on se tape avec délectation, après le HYPOCRITE – PART II cité plus haut, un FACEDOWN IN THE DUST rythmé et pété de fougue. On se lâche, on l’attendait impatiemment, ce pétage de plombs où se profilent des samples fous. HE FELL DOWN pratique ensuite un jazz cinglé, qui quitte la route que de toute façon, Broken Waltz a toujours fuie. Il lui préfère les chemins escarpés, les directions sans concession à la clé. C’est du tout bon, j’avoue qu’à la base je m’en doutais « grave » après avoir reçu le son et m’être rendu compte de sa genèse. WHEREVER YOU GO en remet une bordée dans le feutré insidieux, Pour le coup et derechef, l’alliance des voix fait merveille.
Photo: Vincent Paulic.
En toute fin de parcours, c’est un psychédélisme bien spatial qui nous attend avec ce A MYSTERIOUS LAND OF HAPPINESS terminal qui ne concède rien à la normalité. Possédé, à la fois personnel à bloc et influencé de manière maîtrisée et bien dosée, A Mysterious Land Of Happiness… a du chien et décuple l’impatience quant à la sortie à venir. Les thèmes abordés et l’idée qui se dégage de l’opus, en plus (« Nous les inutiles auront le dernier mot« ), basée sur une critique sociétale à perpétuer, étayant prestement une démarche aux conséquences foutrement profitables.