Suisse extrêmement actif, Louis Jucker est l’une des figures de proue lo-fi/folk-rock indé de son pays. Et pas seulement. Collaborateur invétéré, il a récemment oeuvré avec Coilguns, après bien d’autres ouvrages communs aux côtés d’artistes du même esprit. Il est par ailleurs le créateur d’Hummus Records, où sort son étincelant et très « home made », et « self made », Something went wrong. Je ne vous ferai pas la longue liste de ses activités, toutes porteuses. Je m’attarderai avec grand plaisir, en revanche, sur ce disque bricolé par un artisan doué, au plus prés du vrai. Qui, dès son début et avec le support d’un très pur et alerte 31 Years of Waiting for This, folk et lo-fi jusque dans ses sonorités d’ornement, nous électrise avec une p+++++ d’élégance. Si Jucker fait dans la sobriété, dans une vêture sans tape à l’oeil, ça n’empêche pas ses compositions, toutes fringantes et charmeuses, certaines énervées comme on aime (The dam), d’être bien mises. Son jeu, sur Our Easter Wedding, est sensible. Avec, en plus de ça, un chant au relief tout en douceur et une belle dose de sincérité, il fait mouche et nous touche. Les bruits décorant Shy of Fire, au vocal aigu, embellissent encore Something went wrong, dont la teneur contrecarre ce qu’augure son intitulé.
The Heat / Hello Weirdo, ensuite, marque entre autres par son rythme électro très..lo-fi. Les notes sont à nouveau subtiles, sautillantes, ou plus troublées. L’arrière-plan se fait ombrageux. Tout ça, l’Helvète le conçoit magistralement. Resilience, lui aussi épuré, donne le sentiment que Jucker le joue à nos côtés. On ne s’en étonnera que peu: l’artiste aime la proximité, le faire-avec quand bien même l’essentiel est assuré, en l’occurrence, par ses soins. Losing Hair bruisse, s’apparente à une sorte de drone lo-fi, puis vire en pièce folk une fois de plus sans maquillage. Il y a de la vie, des émotions non feintes, dans Something went wrong.
I Hate to Hurt the Hearts I Eat est champêtre, boisé et étincelant. On entend, derrière, la nature. Ca sied parfaitement à notre homme qui préfère, à la rudesse et la froideur du béton, le râpeux de l’écorce et la verdure du feuillage. Half a Kid and Me se souille, Louis Jucker aime à ternir, de temps à autre, la joliesse de ses chansons. Si certains opus folk, (trop) strictement folk, ennuient par leur linéarité, leur trop grande douceur sans réel relief, ici, on met des aspérités, on joue de façon intègre et on ouvre le panel sans toutefois s’égarer ni surcharger. Sensible oui, lassant jamais, le recueil a de quoi séduire. Le bien nommé To the Origin, dans une rudesse acoustique de bon aloi, y met fin avec autant de maestria, de vérité confondante que ce qui a pu le précéder.
Photo: Augustin Rebetez.
Au final, on obtient donc un album authentique, fin et enlevé, ouaté et rugueux, qui transpire la passion. Une collection ensorcelante, à l’écrin folk indé troussé avec le talent de ceux qui, déjà, siègent sur les cimes. L’ami Louis n’a certes plus vraiment à prouver ni ses aptitudes, ni la qualité de ses efforts. Mais à chaque étape, il signe de sa classe d’artiste pluriel, comme ici, la totalité de son oeuvre en présence.