Groupe d’Athènes, en Grèce donc, duo masculin-féminin où fusionnent musicalement Valisia Odell et Antonis Konstantaras, Strawberry Pills (on vous conseille de tester le produit) pratique une musique qu’on pourrait rapprocher de Siouxsie, pour la voix et les climats, mais qui ratisse côté 80’s et lorgne vers le post-punk, tout en se parant de bordures à tendance gothique. Murder to a beat est le premier format album de la paire, qui s’y inspire de différentes formes d’art, dont la photo de Guy Bourdin, le symbolisme de Moreau ou encore Agatha Christie. Elle y aborde, aussi et textuellement, le quotidien à Athènes, pas toujours rose. Tout ça imbriqué, dans des formats majoritairement synthétiques cold et vocalement racés, on tient au final huit titres où les claviers s’amusent et tissent des trames géniales, simples mais oh combien attractives, de nature à flirter ouvertement avec la new-wave et les débuts d’un Depeche Mode (le terminal Set to rise again). Mais n’allons pas trop vite; avant ce final magistral, sept autres réussites se seront incrustées dans nos mémoires, dans le sillage de The voyeur.
Froid et appuyé, le morceau met le souk façon Kas Product. Chant et nappes de machines acidulées se complètent, dans une légèreté alerte. C’est du son à danser, dans le noir de préférence, et déjà du miel pour le « découvreur ». Elles ont déjà bon goût, ces pilules à la fraise, et produisent un effet ecstasié comme si, à l’écoute, on ne pouvait se retenir de se trémousser sans relâche. Private nightmare, saccadé, se pare de belles guitares. Le son de Strawberry Pills n’a pas d’âge, il unit plusieurs ères et varie allègrement entre retenue et plages directes. Ses ambiances attirent, sa dynamique porte et transporte. Voilà un projet signé chez Inner Ear Records, gage de valeur incontestable, qui fait honneur à son label.
Verbal suicide, planant mais dans une certaine forme d’intensité, avec ses envolées célestes, permet à ces deux-là de maintenir un niveau relevé. L’allant de Enter the void, plus tranchant, le réhausse encore. Et cette voix, une Mona Soyoc l’apprécierait à mon avis grandement. Les six-cordes, encore une fois, y vont de leur intervention décisive. Leur accord avec les synthés est audible, ceux-ci glissent et envahissent l’espace. Riffs drus, traits cold: pas besoin de forcer, l’assemblage de Valisia et Antonis a tout pour plaire. Dreams l’endurcit, lui donne un surplus d’impact vocal et sonique. A chaque cuvée, Strawberry pills nous en met plein le gosier. En huit titres, il fait mieux que d’autres en douze. Porcelain face, plus « dark-pop », déroule. Il aère l’album, tout en le valorisant autant que le reste des morceaux. On est surpris, bluffé même, par le savoir-faire, exempt de prétention ou d’exagération, des deux complices.
Photo Aris Athanatos.
Icarus, pour finir ou pratiquement, me fait à nouveau penser, en son début, à Gahan et consorts. Puis il vire en un essai électro/post-punk, qui groove sévère et (re)donne l’envie de bouger le tronc. Grattes subtiles autant que drues, sursauts 80’s, synthés enivrants combleront l’auditeur le plus exigeant. A l’issue, le Set to rise again nommé plus haut posera ses envolées, grises et spatiales, et des boucles bien prenantes. J’honore souvent la scène de chez nous, fournie et riche en formations prometteuses. Je ferai désormais de même avec celle issue de Grèce, dont Strawberry Pills est évidemment, fort de ce Murder to a beat excellentissime, un représentant extrêmement estimable.