Québécois, Population II sort avec À La Ô Terre, au titre aussi loufoque que son contenu génial et barré, son premier long jet. C’est Castle Face Records, le label de John Dwyer (Oh Sees), Matt Jones (Male Gaze) et Brian Lee Hughes, qui s’en charge; ce n’est pas rien et de suite, on s’élève d’un Introspection céleste, mais remuant, qui sonne comme si Amon Düül, Pink Floyd et…Population II lui-même, en quête de son novateur et de sensations fortes, ceci avec l’appui d’Emmanuel Ethier (Chocolat, Corridor, Jonathan Personne), croisaient le fer et brisaient les lames. Psyché, triturée, cosmique et kraut, changeant dans ses rythmes et dotée de fulgurances…fulgurantes, voilà une amorce qui ne laisse personne insensible. Ce n’est rêve, au chant doux, étend sa durée. Il commence de façon spatiale, rêveuse. On se fait bien avoir et ça nous convient: Population II détient les clés, sous ses sons et climats magiques, d’un univers dont nous serons captifs. On sent, sous les soubresauts jazzy-psyché, mijoter l’orage. Ca s’emballe alors, dans un magma de sonorités déviantes.
Dans ses écarts, le groupe est chez lui. Il nous fait, à sa sauce, du 70’s d’aujourd’hui. Les vents, bien nommé, fuzze dans sa quiétude. Au Québec comme en Suisse, on aime à se différencier, à transgresser, à faire dans le son psychotrope à souhait. On le fait mieux que quiconque. On pourfend, à l’aide de bruits déchirés, d’embardées débridées, un espace à l’apparence, de prime abord, tranquille. Puis la tempête repose, presque aussi brusquement qu’elle état survenue, avec élégance. L’offrande est alors livrée, sa voix s’endimanche. Mais vite, la batterie l’emmène galoper. Population II ne tient pas en place, c’est l’un de ses atouts et l’emprise, son emprise, s’affirme sans qu’on puisse s’y opposer.
La nuit, à l’envolée magnifique, en accroît les effets. Même sur ses efforts brefs, À La Ô Terre nous arrache de terre. Il nous griffe la gueule aussi (l’introduction d’ Il eut un silence dans le ciel) avant de jouer des parties splendides, musicalement bluffantes. Il y prend, comme de coutume, des sentiers cachés. Mazette, nous v’là dans la dépendance. Plus efficient, et bien plus sain, que n’importe quelle substance stupidement usitée par certains, l’opus est tout simplement un immanquable. Castle Face Records, qui sort sans sourciller et à fréquence élevée des perles hors-cadre, peut se targuer, à nouveau, d’une sortie signifiante. Il eut un silence dans le ciel, tu parles: le terme du morceau, puissant et bruyant, envoie tout péter. On prend de sacrées mornifles, ici. Mais on est, dans le même, gâté quand arrivent ces plages superbes, jouées avec brio.
Photo: Laurence Martin.
Attraction (on est bien d’accord…) vient parfaire le déjà parfait. Délicat, d’un chant encore une fois doucereux, au verbe qui louvoie, il filtre des encarts majestueux, grésillants, au groove d’antan, qui resteront en tête. La danse, entre coups de semonce et beauté d’entre les nuages, se montre comme beaucoup d’autres versatile et ce, dans la plus grande des pertinences. On a droit, ici et encore, à des assauts merveilleux. Plaqué au sol, ou soulevé de ce même support, on est, également, pommadé avec la même prestance par Population II, dont la vertu réside avant tout dans l’alternance assurée entre ses tendances. A la porte de demain, son kraut de haute voltige, illustre cela de manière imparable.
L’avide de ressentis ancrés trouvera là, incontestablement, son compte et même bien plus. L’hypnotique Je laisse le soleil briller (on doit d’ailleurs, pour le coup, ne pas en être très éloigné), pour conclure, calme le jeu et privilégie l’option ouatée, en toute fin d’un parcours jonché d’arabesques captivantes. Les gaillards de Montréal se surpassent, se dépassent et nous régalent, auteurs d’un sans faute dont l’audition débouchera sur des émotions en vagues, génératrices de bienfaits durables. Excellent de bout en bout et dans ses moindres recoins, À La Ô Terre se hisse à la hauteur de ses sources et marque l’identité forte d’un groupe au talent pour le moins perceptible.