Duo helvète explorateur, qui unit Cyril Yeterian et Cyril Bondi, Cyril Cyril affiche une déviance une fantaisie porteuse qu’on pourrait retrouver, dans l’esprit, chez Hyperculte, Suisse lui aussi, ou encore au sein de l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp. Yallah Mickey Mouse est son deuxième album, après un Certaines ruines (septembre 2018) qui validait déjà son approche singulière, barrée et irrésistiblement groovy. Touche-à-tout, les deux gaillards ne mettent pas bien longtemps à nous faire onduler. Les gens, à la manière d’Hyperculte justement, nous entraine dans sa sarabande psyché, alerte, post-punk aussi mais de loin, un peu, dans le ton, et exotique dans ses sons. On usera, au fil de l’opus, de plusieurs langues et le genre de Cyril Cyril est musicalement transgenre. Il y a également du Bikini Machine dans sa capacité à faire twister, on passe ensuite à un Al Boustan qui se fait lui aussi dépaysant. Les voix sont avenantes, dévient vers la loufoquerie, racontent des extravagances captivantes. Le grisou, en dépit d’un intitulé qui laisserait présager d’un contenu explosif, est lui contemplatif, poétique, subtil. Les sons, à nouveau, sont beaux et t’emmènent là où tu n’escomptais pas te rendre.
A l’issue d’un début paisible, le morceau se met, toutefois, à s’animer. Les chants se répondant insufflent une dynamique remarquable. Sur Président, elles font sensation et précèdent des soubresauts tribaux. Le tout est saupoudré, avec brio, de sonorités innovantes. On pense à The Ex pour les penchants épileptiques, pour la posture un brin africanisante. Ha-ha, ha-haaa, me surprends-je alors à chantonner tout en décrivant, péniblement, l’ouvrage de la paire barge. X-crise serpente, envoûte, tisse un entrelac de sons et de cadences à fière allure. Il breake, change de chemin direction l’orient…enfin, c’est que j’y entends de mon côté. Le cavalier riant, de ses notes dansantes et transporteuses, valide superbement la teneur de ce Yallah Mickey Mouse qui dépasse de très loin les frontières Suisses. J’ai les épaules qui, sans que je l’ai commandé, commencent à se dérouiller en se mouvant au rythme de ces deux fauteurs de trouble doués.
Effondrement, de notes de basse ronde en voix euphorisantes, rafraichissantes, impose ses douces, ou turbulentes, secousses. L’album est un voyage, un périple, agité et inspiré. Il continue à envoyer quand sonne l’heure de l’éponyme Yallah Mickey Mouse, dingue dans les chants, urgent dans le tempo. Si t’es v’nu passer un moment pépère, passe ton chemin; Cyril Cyril va t’retourner l’ciboulot. Jubilatoire, sa zik file la trique et déclenche des jets…de dopamine. Animal fait voter les cochons, couronne les requins, refile de la coke aux corneilles, de l’âge aux cigales. On délire grave, on touche tout aussi grave à l’excellence. Narrative et intimiste, la chanson en question prend ensuite de l’ampleur, s’agite et cogne tout en continuant à cheminer en piste rouge. Cyril Cyril a déchaussé, c’est de toute façon le free, la liberté de ton et d’avancée, qui lui sied le mieux.
Son Petit destin, qui met fin à l’objet, est sans sagesse. Tiens donc! Orageux, finaud tout autant, il riffe de façon détournée, dans une jungle sonore enchanteresse. Doté d’idées à la pelle, Cyril Cyril cartonne et nous, on fredonne. En ces temps troubles, ça fait un bien « de dingue ». Puisse le projet, d’une sacrée portée (ou d’une portée sacrée) poursuivre, longtemps, son entreprise de déconstruction et de défrichage pour le plus grand bénéfice auditif, égoïstes que nous sommes, de nos modestes personnes.