Le 16 septembre 2020, Muzzart a rencontré Denis Barthe et Olivier Mahtios du groupe The Hyènes juste avant leur showcase à la Guinguette Chez Alriq à Bordeaux pour discuter avec eux de leur nouvel album Verdure (Upton Park, 16 octobre 2020). Facebook de The Hyènes
Joseffeen/Muzzart : Ce nouvel album semble, au niveau des textes, exprimer pas mal de désillusion par rapport au monde dans lequel on vit et est porté par une énergie musicale un peu différente…
Olivier Mathios : Complètement en ce qui concerne les textes. Après, au niveau de la musique, on n’a pas beaucoup de recul mais on a l’impression d’avoir été beaucoup plus posés et plus amples que par le passé et un peu moins punk dans l’esprit musical.
Denis Barthe : Oui, c’est une énergie plus retenue sur cet album. Moi, j’ai été surpris quand j’ai écouté le vinyle. J’avais un peu peur qu’on manque d’ampleur parce que le vinyle est rempli au maximum avec 24 minutes par face. J’ai posé le vinyle, je l’ai écouté et me suis dit : ah non, ça va !!! C’est rare que je sois content et là, j’étais content ! (rires) J’en ai profité, j’ai fait une croix sur le mur chez moi en me disant « aujourd’hui, je suis content ». (rires). Plus sérieusement, il n’y a aucun intérêt pour nous à refaire ce qu’on a déjà fait mais j’ai toujours eu du respect pour les gens qui tracent le même sillon et essaient de le faire le mieux possible et c’est ce qu’on a essayé de faire. On s’est trouvé dans une conjoncture un peu bizarre. On est un peu des éponges. Que l’on soit peintre, sculpteur, cinéaste ou musicien, les artistes sont des éponges et expriment forcément la manière dont ils vivent la vie à un moment donné. On vit une période pas facile. Cela fait 30 ans qu’on le dit et j’ai l’impression qu’elle est de moins en moins facile. On ne savait pas qu’on basculerait dans un scénario de film catastrophe et j’ai peur que le plus dur, on ne l’ait pas encore vécu. Le plus dur, c’est ce qui vient. Cela va être dur ou très dur pour certains et insupportables pour d’autres qui vont perdre leur travail et le confort auquel on peut tous aspirer. Et quand je parle de confort, je veux dire le minimum de décence, de niveau de vie et de liberté.
Joseffeen : Est-ce que vous pouvez me parler un peu du morceau « Verdure » qui a donné son titre à l’album et qui est un peu différent musicalement par rapport aux autres ?
Denis Barthe : Oui, au départ, c’était quelque chose de très acoustique. Quand on nous parle d’écologie ou d’environnement, on dit qu’il y a des gens engagés mais personnellement, je préfère les gens responsables. Tout le monde ne peut pas être engagé mais si au moins tout le monde avait le courage d’être responsable ! J’ai toujours été étonné par le fait qu’il y ait un parti écologiste. Tous les partis politiques devraient avoir une branche d’écologie. C’est du bon sens ! On dit toujours qu’il faut sauver la planète mais non, la planète a connu plusieurs ères d’extinction massive et elle est sauvée. C’est nous qu’il faut sauver ! Elle se remettra de nous par contre nous, on aura peut-être tous disparu…
Olivier Matios : Espérons que ce qui nous arrive en ce moment ne sera qu’un avertissement sans frais…
Denis Barthe : En fait, ça a été évident de choisir ce titre pour l’album. On en a discuté et on n’est pas forcément des adeptes du « il faut extraire le titre d’un des morceaux pour l’album » donc c’était mal parti pour « Verdure « au départ et puis au bout d’un moment, c’est devenu une évidence avec tout ce qu’on était en train de vivre et le fait que tout ce que l’on fait actuellement, ce n’est que de l’écologie de surface et qu’on ne s’attaque pas vraiment aux plus gros problèmes.
Joseffeen : La pochette s’inscrit tout à fait dans ce que vous dites…
Olivier Mathios : Le photographe qui a fait la photo est originaire de la région de Bayonne et s’appelle Mathieu Prat. C’est Vincent qui nous a dit qu’il avait un pote dont il voulait nous montrer les photos. Mathieu a fait une série sur l’environnement et il y a plusieurs photos de cette série dans le livret de l’album. Quand on a vu la photo, ça nous a d’ailleurs confortés dans le choix du titre ! Cette photo est belle et fait ressortir tout le cynisme de la situation. La photo représente l’embouchure de la digue de Tarnos en plein hiver. Elle est faite sans trucage du tout et montre bien ce que la mer peut ramener. L’hiver, on se retrouve avec de belles surprises et il vaut mieux ne pas marcher pieds nus…
Joseffeen : J’aimerais ensuite que l’on parle un peu de deux autres titres de l’album : tout d’abord « ça s’arrête jamais » qui était déjà sur l’EP sorti précédemment.
Denis Barthe : L’idée est venue d’une discussion, il y a des années, avec Vincent. On parlait parfois de problèmes ou de choses qui te demandent beaucoup d’énergie et te donnent l’impression que tu es face à une montagne à gravir et qu’il faudrait être trois pour résoudre tout ce que tu as à faire. A un moment donné, Vincent m’a demandé « mais des fois, ça s’arrête ? » et j’ai répondu « non, ça s’arrête jamais ». Je ne pensais pas qu’il en ferait un morceau mais c’est parti de là. Sur l’album précédent, on avait mis « on dormira quand on sera mort » donc on sait que ça finira par s’arrêter mais on ne sait pas quand on va dormir (rires). Le plus tard possible, on espère ! L’idée du clip, elle trainait depuis plusieurs années dans nos têtes avec le fait que quand tu arrives au bout d’un jeu vidéo, tu rejoues, tu rejoues etc… On a eu envie de retracer, en version jeu vidéo, la soirée de quelqu’un qui sort sans savoir où aller ni ce qui va lui arriver, qui picole, prend des drogues et forcément qui se retrouve tout seul sur un banc et c’est naze (rires).
Olivier Mahitos : On a voulu que ce soit illustré par un jeu vidéo vintage pour nous rendre un peu hommage (rires). Ce sont des choses qui nous parlent. (rires)
Denis Barthe : On a parlé de cette idée aux gens avec lesquels on travaille. Ils avaient eu la même idée et quand on a commencé à chercher avec qui le réaliser, j’ai pensé à un jeune mec de Luxey, près de chez moi dans les Landes, qui a monté une société qui s’appelle Jug Prod. Jean Baptiste est un petit génie de tout ce qui est graphisme, codage et tout ça. Parmi les différents projets, c’est le petit gars de Luxey qui a remporté la timbale. C’est lui qui, par la suite, nous a proposé de décliner le clip sur un jeu.
Olivier Mathios : et ça nous a permis, à chacun, d’avoir notre avatar et ça, c’est le kiff absolu ! (rires)
Joseffeen : Qui a fait le meilleur score sur le jeu ? Moi, j’ai essayé et je suis nulle…
Denis Barthe : J’ai dû aller jusqu’à 80 ou un truc comme ça. Je n’ai pas dépassé le score de 100 en tout cas.
Olivier Mathios : Je sais juste que j’ai réussi à dépasser le solo. Je crois que c’est lamentable (rires). Game over à la sortie du solo. (rires)
Pour jouer, c’est ici: http://jug-prod.com/ca-sarrete-jamais/
Muzzart : Ensuite, je voudrais savoir : Pourquoi aller mourir à Bègles ? Qu’est-ce que vous avez contre Bègles ? (rires)
Denis Barthe : Tu ne connaissais pas? Va mourir à Bègles, c’est une vraie expression ! Elle est utilisée essentiellement par les bèglais eux-mêmes et ça date de l’époque où Bègles était une banlieue ouvrière qui était réputée peu fréquentable, notamment parce qu’elle était l’enclave communiste de la métropole de Bordeaux et parce que c’est là que se trouvaient les sécheries de morue avec l’odeur qu’elles dégageaient. C’est venu de là et ce sont surtout les béglais qui l’utilisaient : « ça suffit, tu me gaves, va mourir à Bègles! » (rires)
Olivier Mathios : Moi la première fois que j’ai entendu ça , c’était à Agen. Je me suis aussi posé la question ! (rires). Je me suis dit que ça devait avoir une connotation rugbystique mais j’avais compris l’idée, Bègles, c’est pas bien (rires).
Denis Barthe : On se le dit souvent entre nous et Vincent a fini par écrire un texte dessus !
Joseffeen : Et le clip vient tout juste de sortir avec un invité !
Denis Barthe : Toute l’histoire du clip se passe sous un abribus et le héros, c’est Philippe Poutou ! Il va vivre sa journée sous un abribus et rencontrer plein de gens et il va lui arriver plein de trucs assez incongrus et décalés. Il joue son rôle d’ouvrier syndicaliste et se retrouve dans des situations assez particulières et à se voir sur des affiches de publicité en rapport avec l’action qui se déroule. Et nous, on apparaît lookés comme des musiciens de groupes dinosaures ringards et on donne notre concert d’adieu au Stade des Princes (rires). Je ne te raconte pas la fin, je laisse les gens regarder ! Le clip a été tourné à Saint Symphorien.
Joseffeen : Vous avez fait plein de choses ces dernières années, que ce soit le BD concert ou vos concerts avec Cali. Comment ça s’est passé la création de ce nouvel album de The Hyènes ?
Denis Barthe : ça nous a pris du temps parce qu’on a tourné avec le BD concert pendant 4 ans.
Olivier Mathios : Ce n’était pas prévu que ça dure aussi longtemps. C’est un projet qui nous a un peu dépassés mais c’était une respiration dans laquelle on était vraiment bien. Artistiquement, ça nous a amenés ailleurs aussi. Nous avons aussi eu des aventures extra conjugales ; notamment tous les deux avec le groupe Mountain Men et Vincent (ndlr: Vincent Bosler, chanteur de The Hyènes) avec The Very Small Orchestra. Le projet d’album avec The Hyènes était toujours là et on s’y est remis après tout ça et on était plus frais pour le faire, je pense. C’est nourrissant de partir sur d’autres choses entre temps et l’évolution du groupe n’est pas étrangère à tout ça. Cet album est dans un registre légèrement différent alors que si on avait enchainé sur l’album directement, cela aurait été sûrement plus proche du précédent. La gestation a été longue mais la réalisation a été assez rapide.
Joseffeen : J’ai vu que vous avez fait un live confiné. C’est dur d’être des Hyènes confinés ?
Denis Barthe: OUI ! On n’avait pas envie au départ de faire ça mais on a eu des messages de gens disant qu’ils ne nous voyaient plus. Notre métier, c’est de rassembler les gens, pas d’être derrière des écrans. Un concert, c’est bien quand ça danse, quand le sol tremble et qu’on boit des coups ensemble! On l’a fait juste 15 jours avant la fin du confinement pour s’amuser un peu et ça nous a fait du bien de pouvoir rejouer.
Olivier Mathios : On l’a fait du mieux qu’on pouvait dans les conditions qu’on avait.
Muzzart quizz :
Joseffeen : Quel est le meilleur endroit pour écouter de la musique ?
Denis Barthe : Dans ma voiture ! Je suis tout seul et je peux mettre à fond si je veux ! (rires)
Olivier Mathios : Moi aussi ou alors la maison la nuit, c’est bien ça aussi. En tout cas, il faut avoir la paix pour pouvoir vraiment écouter.
Joseffeen : Quel est le premier album que vous avez acheté, petits, avec vos sous à vous ?
Denis Barthe : Le double album bleu des Beatles ! J’ai acheté ça avec mon voisin. On avait 12 ou 13 ans et on avait économisé pour ça. J’avais acheté le double album bleu et lui le rouge et on se les échangeait !
Olivier Mathios : Moi, je crois que c’est Highway To Hell d’AC/DC.
Joseffeen : Et votre dernier coup de cœur musical ?
Denis : Ce n’est pas une nouveauté mais il y a toujours un truc que j’adore, c’est The Kills. Si je tombe sur un de leurs concerts à la télé, je reste jusqu’à la fin. J’aime beaucoup le blues rock Delgres aussi ! Je trouve ça terrible. Seul en voiture en rentrant chez moi à 2H du matin, nickel !
Olivier Mathios : De temps et temps, il y a des anciennes gloires qui reviennent et j’ai beaucoup aimé le nouvel album de Pretenders ! Il est hyper frais et ça m’a fait plaisir de réentendre ça.
Merci à Denis, Olivier, Yann, Francis et la Guinguette Chez Alriq!