Collectif Lyonnais d’expérimentation musicale, Goyokin unit soniquement, et climatiquement, Tommy Rizzitelli (batteur de Space Art et de Black Noodle Project, entre autres), Anthony Mowat (compositeur de bandes originales) et Jean-Luc Navette (artiste-peintre, tatoueur et curateur du label de blues maison, Night Records). Ce qu’ils créent ensemble est évidemment décalé, leurs essais tiennent en un collage cohérent de motifs disparates greffés à des atmosphères noires, lancinantes, qui retiennent l’attention…et la tension. III, leur EP à sortir ce 23 octobre, regroupe six morceaux dont le premier, Crossroad, évoquerait un The Cure dans ses instants de mélancolie flamboyante mais profondément implantée. De répétitions en légères touches dissonnantes, l’ouverture donne une idée séduisante, encore partielle, de ce que peut produire le trio. C’est avec Arise, où voix distantes et cinématographiques viennent ombrager une trame déjà noire, que l’électro souterraine des Rhodaniens porte de façon prégnante. Minimale mais marquante, cold et déviante, leur sphère est prenante.
Les trois hommes brodent donc, à l’unisson, des suites dignes du plus grand intérêt, qui explorent sans s’égarer en parvenant à trouver une issue, une forme de finalité, déranger, déstabiliser pour mieux captiver. L’excellent Destroy all couple rythme asséné et chants d’ailleurs affolés, portés par une teinte indus. Le disque, un vinyl magnifique, sort chez Les Disques de la Face Cachée. Il diffère donc délibérément, l’écurie messine n’étant pas du genre à épouser la norme et c’est bien pour ça qu’elle nous est si précieuse. Beauty et ses soubresauts renvoie une étrange…beauté, fait surgir un paysage sonore nuptial ou crépusculaire. Goyokin joue, très habilement, avec les sons, vocaux et cadences.
Un coup d’oeil au Soundcloud de la formation, dont je vous recommande la visite, m’apprend par ailleurs que ce III n’est pas son seul méfait. The eternal light, fantomatique, angoissant, nous plonge de manière plus insistante encore dans le gouffre obscur captivant de ce III fidèle à l’esprit de son label: libre, en marge des formats connus. Enfin Last chance, de ses vagues plus claires, vient clore six morceaux dans lesquels on s’immerge et dont les qualités, outre leur souci de bifurquer des chemins en vogue, réside dans leur aptitude à capturer l’esprit. Plusieurs écoutes sont certes nécessaires mais à l’issue, on vit un temps unique aux effets que la boite à songes n’efface pas.
Le tout est court, il est d’autant plus conseillé de l’écouter sans en « zapper » le moindre instant. Surgiront, ça et là, des sentiments divers et parfois même contradictoires: angoisse, extase, impression d’être « aimanté » par un contenu hypnotique et surtout, au bout du compte, plaisir d’entendre un collectif voué à créer, à défricher, jusqu’à réveiller en nous des ressentis refoulés où entièrement nouveaux.