Russe, Lucidvox est hébergé chez Glitterbeat. Première info extrêmement positive. Il se base à Moscou, unit quatre filles russes, donc, qui à leur débuts reprenaient Sonic Youth, Pixies ou encore Warpaint. Les Dames se sont connues à partir d’amis communs jouant dans des groupes et seule Anna avait intégré une formation auparavant. Il a donc fallu apprendre à jouer, se produire bien sûr et aujourd’hui, le quatuor moscovite nous pond ce qui, dans mes oreilles, résonne fortement comme l’un des disques de l’année: ce We are entièrement renversant, consécutif à quelques sorties plus courtes mais déjà valeureuses. Quelque part entre psychédélisme massif ou aérien, touches liées au folklore russe et riffs de mammouth, le tout agrémenté d’un chant en Russe qui dépayse à volonté, Lucidvox aligne en effet neuf titres énormes. A cela, greffons des climats à la Siouxsie, une puissance ouverte ou nuancée, et nous voilà à explorer, fiévreusement, l’univers d’un groupe passionnant. C’est My little star, sous l’impulsion de chants habités, de riffs « folklo » mais aussi heavy, qui déroule en pôle position son mysticisme torturé. Mazette, quel entrée en matière! Le son, inédit, perfore les écoutilles.
Il ne s’agit aucunement, de plus, d’un feu de paille. Knife, un concentré de riffing dynamite, valide l’impression, forte, laissée par les Demoiselles. Je pense au Wovenhand de Star Treatment ou encore Star Treatment pour la force de frappe mais également pour les encarts mystiques, jouissifs, qui s’invitent à la fête. L’intensité est incroyable, Amok marie pour sa part chants amples mais lyriques, enfiévrés, et saccades rythmiques qu’épaulent des instruments aux trames épaisses. Et ces voix, diantre, quelle portée! On valse de nos bases, dont Lucidvox nous arrache pour nous propulser dans ses contrées nouvelles. Amok, répété à l’envi, de pair avec des chants dopés à la conviction, avec des penchants cold vigoureux, retourne les sens.
Il faudra compter, j’en suis persuadé, avec ce We are. You are, qui flirte avec le haut des cieux, prend son envol jusqu’à, perché là-haut, planter son étendard folklorique à l’agitation mesurée. Impossible, pour celui qui se voue à la quête de l’innovant, de ne pas succomber. Il y a de la finesse, du céleste, dans les assauts incoercibles de Lucidvox. Body, féroce, part au galop suivant une cadence effrénée. La clique dégage des airs heavy 70’s, passés au filtre de son génie et de l’époque actuelle. Telle une lame de fond, We are ne laissera personne indemne. Même sa pochette, un brin lunaire, est magnifique. De voix venteuses en attaques lestes, le Body nommé plus haut fait trembler les murs. Ceux-ci s’écroulent quand Sever, cogneur, retentit. Alina (vocals/flute), Nadezhda (drums), Galla (guitar) et Anna (bass), de rage mystique en embardées sauvagement belles, définissent un rendu novateur. Ca vaut largement ces quelques lignes, où je peine à retranscrire les sensations engendrées par l’audition.
Runaway, sur un ton plus léger mais tout aussi tourmenté, se fend de teintes cuivrées. Tempo haché, touches façon Calexico et fond menaçant s’acoquinent et une fois de plus, c’est la magie qui guette. Le pouvoir de ce disque est plus que conséquent, ses dérives vers différents recoins du globe accentuent la dépendance qu’il fait naître, et croître, chez tout auditeur impliqué. On décèle aussi, sur l’opus, une féminité batailleuse, sauvage. Un caractère affirmé, que le groovy et bondissant Around retranscrit parfaitement. Brut et subtil, Lucidvox honore le son de son pays et, dans le même élan, s’applique à concocter du neuf. A la première écoute, la démarche m’a littéralement soufflé. Glitterbeat, encore une fois, a eu du flair au moment de signer Lucidvox, bien campé dans une scène rock russe à l’essor marquant. Il en sera, assurément, la figure de proue.
Dans cette perspective, Sirin met le dernier coup de collier, appuyé, qui n’hésite pas à changer d’orientation. Les déviances folkloriques, encore une fois, sont bluffantes. We are a les moyens, à l’évidence, de placer ses auteures au rang que leur effort mérite et qui, de toute façon, doit leur revenir. Belliqueuse, la toute fin du morceau, et par conséquent de l’album, « arrache tout » comme on dit par chez nous. Le genre de rondelle qu’on écoute compulsivement, un premier long jet pénétrant et considérable qu’il s’agit, à l’aube de sa sortie et plus encore le jour J, de porter à la connaissance de tout un chacun.