Apparu au début des 90’s, The Mountain Goats peut se targuer d’une palanquée d’albums uniques, frappés du sceau d’un folk indé qui passe, de façon large et extravagante, mais captivante, par le rock ou la pop voire la country. Avec ce Getting into knives, nouvel opus flamboyant, le groupe de Caroline du Nord prouve, brillamment, que l’épreuve du temps ne l’entame pas. John Darnielle et ses acolytes signent effectivement un disque magnifique, nerveux parfois (le rugueux et lo-fi As many candles as possible), serti de parties d’orgues, ou de cuivres (Get famous, de qualité supérieure avec ses élans soul bourrus/acidulés), qui assurent un décor estimable, remarquable. On démarre sur une note country alerte, avec un Corsican mastiff stride soutenu, à l’écoute duquel je pense aux Violent Femmes. Les bases sont élevées, on amorce les débats avec brio et il en sera ainsi tout au long du disque. Plus en forme que jamais, le clan qui tire son nom du Yellow Coat de Screamin’ Jay Hawkins joue aussi un Picture of my dress sensible, suivant une cadence, on s’en contentera largement, plutôt vivace.
Tidal wave, jazzy et subtil, obsédera par ses notes et motifs. Qu’il fasse dans l’emporté ou prenne des airs plus polis -sans sombrer dans l’ennui-, The Mountain Goats fait mouche. L’expérience, bien entendu, sert son rendu. Mais le groupe a l’art de continuer, là où d’autres se vautrent dans le remplissage insignifiant, à livrer du solide. Pez dorado, d’une étoffe folk merveilleuse, l’illustre bien. The last place I saw you alive, conformément à un intitulé n’incitant guère à la joyeuseté, dégage une mélancolie étayée de belle manière. On commence toutefois, ici, à perdre en impact sonore. Le climat est plus délié, plus feutré.
Alors Bell swamp collection, plus appuyé, ombragé toutefois, renoue avec des abords plus rudes. Il y a, dans les compositions des Américains, une foutue dose de panache, de vertu mélodique, ainsi qu’une propension à s’aventurer hors des formats déjà usités. Le chant, au relief certain, complète le tout avec maestria. The great gold sheep, splendide, saccade et se pare d’un fond troublé. Musicalement, les quatre acolytes se situent bien au delà des préalables à l’excellence. Rat queen souffle un folk-rock de choix, où caractère et élans adoucis se tirent la bourre pour assurer un résultat sans défauts. Wolf count, à l’issue, scintille tout autant, porté par une voix dont on pourrait palper le ressenti. Ses atours alertes et rêveurs de par leurs sonorités en font un must, qui nous amène sans fléchir à la fin des festivités indé.
C’est alors Harbor me, un brin funky, sous couvert d’une agitation retenue et de sonorités encore une fois prenantes, qui s’impose. On est comblé, ça va sans dire. L’éponyme Getting into knives, au plus près de l’os, sert pour finir une folk vraie, jouée comme si The Mountain Goats se trouvait là, posé à nos côtés. Avec ces quatre là, longévité rime avec régularité -dans l’excellence-, et continuité -dans l’identité-, avec, comme nouvel argument définitif, ce Getting into knives libre et entièrement concluant.