En ces temps de disette live, il est bon de faire preuve d’imagination, de s’adapter pour faire perdurer le spectacle live, sévèrement mis à mal et très peu aidé par le « haut » du pays, qui ne s’est jamais situé aussi bas dans l’estime de ceux qui comprennent…et plus encore dans celle de ceux qui pratiquent, qu’ils soient musiciens, techniciens et j’en passe. Dans cette optique le 106 de Rouen, quelques jours après la réception d’un Bror Gunnar Jansson en pleine forme, s’est mis en évidence en proposant, ingénieusement, la formule suivante: placer 20 personnes à l’intérieur de bulles gonflables afin de leur permettre d’assister à la prestation de We Hate You Please Die, fleuron local évidement prêt à en découdre. Avec la possibilité, en toute sécurité, de bouger, s’entrechoquer, pogoter et jubiler tout leur saoul, ceci dans le cadre d’un livestream sur Facebook, en partenariat avec Foot Seine 76 et en collaboration avec Kids are Lo-Fi Records où « crèche » le groupe du soir.
Outre la vision, inédite, de ces grosses bulles de bleu et de blanc se percutant, livrées sans nul doute à une (106) Expérience sans précédent, notons d’abord l’intensité dégagée par le quatuor du coin, qui après sa live session dans un hangar d’Yvetôt a bien entendu enflammé les planches…et le parterre de privilégiés présents pour l’occasion. Son cahier des charges est bien fourni: puissant, il inclut des titres qui, entre énergie débridée et déjante vocale, proviennent de deux sorties majeures: Waiting room (mai 2020) et Kids are lo-fi (octobre 2018). Entre un Coca collapse bruyant de brio, en incluant des choeurs de dame bien sucrés, l’hymne éponyme We Hate You Please Die et la grosse dizaine de standards d’un rock garage joués sans trop de détours, rentre-dedans, façon Cramps ou Oh Sees tout en nous ramenant, aussi, à l’ère Riot Girl, ce fut simplement un grand moment. We Hate You Please Die est wild, la singularité du projet lui sied à merveille. Il aime le différent le décalé, et s’en inspire pour faire gicler son post-punk, ses bourrades noise, sans rémission possible. Devant lui les bulles gonflables pétillent, sautillent. De bonheur.
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On n’oublie toutefois pas, dans ce registre musclé, d’inclure des mélodies. C’est là que Chloé Barabé, l’élément féminin du clan avec sa comparse de la section rythmique Mathilde Rivet (Batterie), prend toute sa place, insufflant tout à la fois féminité douce, un brin féline, et brailleries de concert avec Raphaël Balzary (Chant, Guitare), frontman au charisme certain. Tandis que Joseph Levasseur (Guitare) tronçonne et débite du riff toutes griffes dehors, venant parfaire une série solidissime. On les aime, ces We Hate You Please Die. On leur souhaite tout sauf le trépas, évidemment,lié à leur patronyme. On constate en outre qu’en dépit de l’âpreté de l’époque actuelle, ils parviennent à créer, à durer, et nous régalent dans la constance.
Ce fut court, certes, mais jouissif. On s’attend d’ores et déjà à d’autres surprises; ils aiment, on le sait, à se situer là où on les attend pas forcément, et développent une approche très indé, avec l’apport entres autres d’une structure comme le 106. On leur adresse nos vifs remerciements, l’impact de leur live fut salvateur et parvint à combler la rareté des concerts du moment. On remercie également, cela va sans dire, la salle du quai Jean de Béthencourt qui multiplie les idées, novatrices et judicieuses, dans l’attente de ce qui reste à venir et en croisant les doigts pour que nombre de spectacles puissent encore s’y tenir sans trop souffrir de la conjoncture.