Trio de Seattle, Naked Giants réunit Gianni Aiello: bass, guitar, vocals, keyboards, percussion, tape loops, fun machine; Grant Mullen: guitar, vocals, keyboards, percussion, modular synth, special fx et Henry LaVallee: drums, guitar, vocals, percussion, keyboards, charisma. Les trois fauteurs de trouble pratiquent une sorte de psychédélisme barré, sauvage, mélodique et parfois funky option déjante (l’excellentissime Take a chance). The Shadow est leur nouvel album, c’est avec lui que je les découvre. La trouvaille est d’emblée bonne, l’agitation punky de l’inaugural Walk of doom, qui riffe et grésille, faisant incontestablement effet. Avant que High school (Don’t like them) et ses airs de Parquet Courts nerveux-mélodieux ne complète la donne de belle manière. On a là une entrée en matière loufoque et groovy, truffé de sons étranges, de guitares bavardes, d’encarts perchés. C’est bien foutu, assez différent pour distinguer les trois hommes. Ces derniers ne tournent pas le dos aux ritournelles, disséminées avec adresse dans leur disque.
Turns blue, lancinant, doucereux, est splendide. Sentimental, doté d’une basse cold, il évoquerait de loin The Cure dans ses moments de spleen. Il casse certes l’élan dynamique de la clique, mais en consolide le travail. Sur son second volet, il se fait bien plus offensif, tout en gardant ses atours rêveurs qui viennent du coeur. God damn (What I am) suit en riffant avec ardeur, en essai bourru qui fait danser. Sous le joug d’une énergie récurrente, d’idées judicieuses et d’une assise certaine, Naked Giants ne signe jusqu’alors que des titres valeureux.
The ripper, toutefois, adoucit leur propos. Mais vite, il se boursoufle, prend de l’ampleur, durcit le ton. Il conserve dans le même ses jolies voix, ses sonorités à l’avenant. On poursuit donc avec panache, la baisse de régime n’est pas en vue. Unpeeled décolle, céleste. Il découle de la sphère psyché, aussi tranquille que sonore par instants. On remarque, encore, la portée de chants adoucis. On n’a aucun mal, sur The Shadow, à adhérer à la cuvée. A chaque morceau, l’écoute se prolonge et génère du plaisir. La fin du titre en question est bruitiste, Television et son jus post-punk appuyé, ses abords rock’n’roll/pop, arrivent alors pour créditer à son tour le groupe. Ce dernier sert des bruits imaginatifs, légers ou tranchants. Il compose et arrange bien, n’a à notre attention que des bonnes intentions. Better not waste my time l’amène à investir le blues, dans un format cru et rugueux aux écarts sans concessions. On ne perd pas notre temps, loin sen faut, en explorant l’ouvrage de ces Géants Dénudés. L’éponyme The Shadow, légèrement doom, un peu stoner, psyché, pesant et spatial, les fait briller à nouveau.
Il va sans dire, donc, que l’effort est de taille. Il révèle onze plages sans défauts, vraies et abouties. Ce The Shadow (le titre) livre une fin puissante, saccadée puis débridée, de nature à tout foutre en l’air sur son passage. Voilà du bon, du très bon même, qu’on posera sur l’étagère des découvertes à s’envoyer sans compter. Song for when you sleep, au bout de la file, faisant retenir le clap de fin, de manière doucereuse mais soutenue, d’un album de qualité optimale, concocté par trois Américains auxquels les éloges devraient être logiquement adressées, ça et là, au vu de leur décisif savoir-faire.