Tourangeau comme Portobello Bones, tourangeau comme Rubin Steiner ou le génial pitre Boogers, Jim Ballon avait créé la surprise, déjà, avec son Drying Stuff on Woodfire (octobre 2018). Entre garage, surf et psyché, il étalait une palette de style, aux couleurs attractives. Avec Plastic Shores, il nous refait le coup du mini-album nickel chrome qui débute, de plus, par un Airline qui s’envole (logique), plane un long moment, psychédélique façon Black Angels, dark et fin. Une voix douce le décore, les roulements de batterie annoncent cependant l’orage. La quiétude demeure pourtant, perturbée. Mais elle se fissure, laisse place à des incartades qui grondent, sur fond de vocaux à nouveau angéliques et de sons qui pourfendent l’espace. Composé de Flavien Légland (chant, guitare, basse), Axel Gaudron (batterie, claviers, choeurs), Bastien Torre (guitare, choeurs) et Baptiste Mésange au son, Jim Ballon rassemble des acteurs de la scène indé, rodés par leur parcours dans d’autres formations. Evol, sur le même ton doucereux qui se lézarde, entérine leur fiabilité. Entre bruit et tranquillité trompeuse, il y a une place dont le groupe s’empare, visiblement à son aise. Ses chansons durent sans lasser, son rock à la feutrine en lambeaux séduit, jamais trop propret.
Psalm 4 filtre une amorce céleste, qui fait l’essentiel de son premier volet. Mais ses élans noisy, en phase avec des mélodies aux confins de la pop, surgissent. La posture ne fléchit pas, Jim Ballon est droit dans ses notes, droit dans un équilibre stylistique qui pourrait, pourtant, paraître précaire. Ayé, comme on dit par chez moi, nous v’la core avec un projet hexagonal qui la fout pas mal. Speed cobra, de son mid-tempo au caractère variable, enfonce le cou. Ces hommes là ont plus d’un Tours dans leur sac, ils nous passent la pommade pour ensuite nous griffer l’épiderme. On n’y trouve rien à redire, on prend plaisir à se faire malmener avec autant de grâce, de classe et de crasse étincelante.
As far as can think, tel un Jeff Buckley, charme vocalement. On écarte du registre, en l’occurrence, l’envolée noisy. Ou plutôt, elle se fait brève, à peine perceptible. C’est la beauté, la pureté grisée, qui prédominent. Heaven’s raven, bien plus direct, fait pleuvoir les riffs. Le paysage reste psyché, on y entrevoit malgré tout une urgence rythmique appréciable. Et même, au delà de ça, une touche krautrock. A l’arrivée c’est Jim Ballon, gonflé, qui impose son registre et nous gratifie de morceaux dont aucun ne dépare. Le final de la page en question est débridé, la valeur du tout fait qu’on en vient à la fin de Plastic Shores sans la moindre trace d’ennui. C’est alors Slow, magnifique et porteur de bruits bourrus, de voix merveilleuses, qui se charge de faire retomber l’auditoire.
Je pense, à l’écoute et à l’occasion de cette terminaison, à Lift to Experience. Le rapprochement montre bien que les sept titres de Plastic Shores, en plus de leur qualité évidente, ont le don d’osciller, de chalouper entre délicatesse et coups de tonnerre, dans un ciel chargé autant que serein. La démarche sied parfaitement à Jim Ballon, coupable une fois de plus d’un disque de haute volée aux jolies envolées.