Projet solo d’Eva Moolchan, basé à Washington DC, Sneaks est de retour dans une formule qu’il affectionne, entre musique dansante presque mainstream, élans post-punk mesurés, rap et mots qui portent. L’Américaine commence, sur ce Happy Birthday, par nous inviter à sortir, le temps d’un excellent Do You Want to Go Out Tonight. Le titre introductif se balade entre samples imaginatifs, qui « clubisent » le tout, et post-punk discoïde de la fin des 70’s. Son patchwork est osé mais il tient debout et au delà de ça, il provoque des trémoussements, sollicite les carcasses. Lignes de basse rondes et sons aux abords de l’orientalisant dépaysent, incitent clairement au trip. Faith, qui lèche le r’n’b et lui confère une jolie dynamique, des sons qui chatouillent la psyché, confirme. On boucle bien ici, ça augmente l’impression de zik dansable sans jamais céder aux sirènes du grand public. Mars in Virgo, lunaire et exotique, s’ajoute au carnet des réussites. Comme chez Nova Twins, à ceci près qu’Eva est ici seule bien qu’épaulée par Carlos Hernandez au mixage et le légendaire producteur Jacknife Lee, on crée autre chose. On ose et on fait bien puisqu’à l’arrivée, le rendu est aussi bon que singulier.
Il prouve, dans le même temps, que lorgner ver des genres « contestables », quand on les couple à d’autres courants, est loin de dénoter. C’est le cas de Sanity, relayé par un Scorpio on your side du même genre, initialement r’n’b mais perverti, assombri, doté de sonorités à part. Attention, toutefois, à ne pas abuser de ce « sucré » lié au style. Slightly sophisticated évite l’écueil, dark, un peu trip-hop, décalé en tout cas. Comme à l’habitude, Sneaks convoque des sons qui envoûtent, dans lesquels on se drape.
Avec This world, on « push up le tempo », comme disent les anglophones. Toujours sous couvert de sons qui réjouissent, d’un chant pas aussi angélique que ce qu’il peut parfois dépeindre. Il est difficile, à l’écoute, de décrire ce que fait Moolchan, qui se singularise. Mais son travail vaut qu’on s’y penche. Il nous emmène dans des contrées peu visitées, possède à l’évidence la capacité à fédérer des castes musicales ouvertement différentes. Winter weather livre des sons asiatiques, obsède par ses phrasés répétés. Dommage toutefois, malgré son incontestable qualité, que Happy birthday ne dévie pas plus franchement. On l’aurait aimé plus sauvage, plus fougueux encore. Il transcende toutefois les genres et propose des morceaux crédibles, auxquels You’ve got a lot of issues, au discours digne d’intérêt, met fin.
On approuve donc, d’une part, l’idée de Sneaks, bien appliquée, de faire dévier les styles. D’autre part, on salue sa capacité à jouer, solo, des trames addictives. J’aurais pour ma part inclus d’avantage d’encarts, de grosses linges de basse qui pulsent, de sons qui partent en vrille, voire de guitares féroces. Mais Happy Birthday dévoile à l’arrivée des facettes diverses, bien associées, qui en font une belle réussite.