Difficile, à partir d’un simple cd sampler, d’évoquer un album en trois parties incluant au final vingt et un titres. Mais ce Tautology, oeuvre d’un El Ten Eleven où officient Kristian Dunn (bass/guitar double neck, old school six string bass and fretless bass) & Tim Fogarty (drums and electronic drums) le vaut bien, partagé qu’il est entre spatialité déchirée par des sons plombés (Shimmered, Taut. III), débauche immédiate et bien groovy (un peu partout, je nommerai pour résumer With report (Taut. I) qui amorce un mid-tempo turbulent, ou encore Entropy (Taut. I) qui combine efficacement cosmisme et puissance, pour le coup encore rentrée), et souci de proposer des instrumentaux qui transportent. Tout en lâchant complètement, à l’occasion, le flux d’une énergie qui solidifie Tautology (Jejune (Taut. I)). On parle, ici, de méditer sur la vie humaine et soniquement, on établit une métaphore des épreuves qui la jalonnent. En plus de secouer la tête, on utilisera donc sa matière grise lors de l’écoute.
Shimmer (Taut. II) fait gicler des sons célestes, mais reste soutenu. Il breake, se faisant presque dub. Le trip, bien entendu, n’est pas inerte. Tautology n’est pas, à l’instar de l’existence, un long fleuve tranquille. Nocturne (Taut. II) est lui aux abords du cold, ses synthés évoquent Joy Division. En termes de climats, tout en restant pertinent, El Ten Eleven vise un horizon large, ouvert. Il amène à l’introspection, prend parfois plus directement aux tripes. De temps à autres, il passe d’une ambiance à l’autre, naturellement. Rodés par des sorties en nombre et des dates nourries, Dunn et Fogarty sont ici sur leur terrain favori.
Queen’s gambit navigue entre tempo dansant et sons froids issus de la basse, mais plus crus en accompagnement et, comme à l’habitude, adresse à dénicher des sonorités inédites. Entre douceur et force de frappe, sans dénoter ni ennuyer. Il va sans dire que le registre est personnel, en phase avec l’esprit et les tourments de la paire. Je la découvre, pour ma part, et la surprise est bonne. You are a piece of me, you are a piece of her (Taut. III) pend la brise, légère, et s’envole dans une rêverie prolongée. On se laisse bercer, aux aguets toutefois car on sait qu’en certains recoins du parcours, le discours peut rudoyer. Mais on reste, en l’occurrence, dans un ciel serein. Le morceau est post-rock, mais le groupe se refuse à faire dudit genre son unique approche.
Ainsi le Shimmered nommé plus haut, ensuite, se montre plus vivace, plus contrasté aussi, plus déviant. L’album est immersif, ne nous attendons pas à le dompter à la première lecture. Sur le sampler, c’est Let’s all go out like qui lâche les dernières notes. Dans un faux calme dont le fond pourrait « péter », il esquisse un joli paysage. Si j’avoue préférer, de mon côté, les plages où El ten Eleven s’enhardit, prend un virage sonique, le panel servi sur Tautology est suffisamment alléchant pour qu’au final, on prenne plaisir à parcourir le « domicile » des deux hommes. Avec un attrait plus prononcé, cependant, pour ses facettes les plus remuantes.