Astaffort Mods, c’est la réponse de chez nous, percutante et hilarante, à Sleaford Mods. Un précieux trio qui, sous couvert de déconne bien plus réaliste qu’il n’y paraît, balourde à base de « putain!! » et de tchatche volubile une électro/post-punk savoureuse. Avec l’accent du sud -le leur-, en plus, pour un rendu tellement bonnard qu’il trouve place chez A Tant Rêver du Roi, dédié aux ziks « autres ». On n’a d’ailleurs guère le choix, Aller simple et son bordurage hip-hop sombre, ses vocaux sociétaux qui dézinguent les rapports sociaux, nous propulse dans le monde inspiré, novateur bien que prétendument « issu » de la paire anglaise qui déblatère elle aussi à tout-va, du clan. Tout y passe, sous des aspects déconneurs une charrette de travers liés à l’humain est dénoncée. Avec une grande lucidité. On ne tarde pas à s’enthousiasmer pour l’ironie, la vision aiguisée des gaillards et leur genre alerte. Festival, en plus de nous faire hurler de rire et d’instaurer une ligne de basse irrésistible, expose les péripéties, relevées, de la tenue d’un événement. On est, constamment, dans du délire crédible car révélateur de choses vraies, dites avec un humour incomparable. Ouverture Facile, l’album décrit en ces lignes, est un bricolage savant, jouissif, au mot remonté.
Dérision donc, vérité et imaginaire aiguisé, rimes de dingue président. Teuf teuf pulse à son tour, les écarts verbaux sont de mise. C’est la vie, ses épopées, ses incohérences, ses tranches…de vie mémorables et diverses inepties, qui est ici dépeinte. Sans pareil, Astaffort Mods pourrait bien imposer sa mode, à l’écart des modes et peut-être bien aussi, des mods. Il révèle là une p+++++ d’identité, La flemme file la pêche et nous abreuve de ses sons dingos. J’ai la flemme…de virer le disque de mon lecteur. Avec L’odyssée du putain d’espace, le coworking en prend pour son grade et le « pire », c’est que le discours sonne si vrai… « Espace de coworking, pour espèce de branleur, à glander pendant des heures derrière une putain de vitrine… », « Espace de coworking, pour espèce de branleur, je t’ai vu tout à l’heure en train de te mater un film »; les refrains, tueurs, ajoutent à l’impact d’un album addictif.
Bien loin de s’en lasser, on en reprend une flopée quand arrive Les spécialistes: on y apprend à séduire (attention c’est risqué), puis Confidance et son clin d’oeil à l’errance psychique. Enfin je crois. On pense parfois, pour le style et la déconne dotée de sens, à Angle Mort et Clignotant, ou encore à Infecticide. Energisant, Ouverture Facile offre ensuite un Gala brute aux airs d’ode aux concerts, elle aussi décalée et exempte d’équivalents. On y parle, aussi, des « beaux » arts et des « superbes oeuvres » qu’on y élabore. Astaffort Mods se fout de la gueule du monde mais celui-ci l’a bien cherché, con à l’extrême. « Si y’a des tickets boisson, putain..la belle affaaaiiire! ». On retiendra, avec jubilation, la pleine musette de phrases, et de phrasés, qui dégomment grave. Drôle de truc, drôle en effet, démontre une p+++++ d’aisance à manier le mot, à faire du classieux qu’on associe sans vergogne à du plus grossier. Et c’est ça qu’est bon. Plus que bon même. Office de Tourette, syndrômé à souhait, est une pépite qui prend un soin tout particulier des ressortissants de la capitale. Il n’y a que ça, ici, t’façon: des perles. Des pépites de bouffeurs de frites, dont le flow et le Franglais font penser à d’autres zigs de choix, doués, qui répondent au nom de Man Foo Tits. On en rit, à gorge déployée, et on en danse jusqu’à se désaxer le bassin. « Welcome to the Lot and Gawonne… ».
Sur la fin, Bout de gras instaure un dialogue de fou, de prétendants, aux traits électro-rock. « Mais c’est quoi ces questions à la con là?? Putain!! ». On continue à se marrer, on se rend compte aussi et à nouveau que ces mecs-là sont, derrière leur façade de loustics qui font les cons, très intelligents et adroits dans leur procédé. Un délicieux « Putain fait chier!! » introduit Radar. Pôle-Emploi, la VAE et j’en passe: les prouesses étatiques sont « caressées » dans le dos, qui en portera les stigmates. Sous fond, bien entendu, d’observation sociologique à la Bourdieu…à moins que ça n’émane plus modestement du café du coin, allez savoir. On cumule, sur ce disque génial, les bons mots et les descriptions loufoques autant que croustillantes. Un ultime refrain-choc ponctue ce Ouverture facile qui, j’en suis persuadé, va tourner et « ratourner » sur les platines, avides de ses divagations et autres foutages de gueule entièrement prenants.