Un dixième album des Throwing Muses de Kristin Hersh, accompagnée ici par David Narcizo et Bernard Georges, ça vaut son pesant d’attention. Quand on est issu des 90’s, qu’on a ramoné The real ramona et autres trésors jusqu’à y voir apparaître des rayures, on attend fébrilement le nectar indé du trio de Newport. On redoute quelque peu, âge oblige, le vieillissement du rendu, la baisse de régime qui mènerait le groupe vers des terres moins glorieuses. Un peu comme les Pixies, dernièrement, ont pu voir leur répertoire baisser en tension noisy. Mais ce Sun racket, qui navigue entre rock rêche et pop rêveuse (Bywater) éclatante, magnifiée par le chant sucré de Kristin, éradique vite le doute. S’il n’est pas complètement fougueux, il tient ses promesses de bout en bout. Dark blue, dans un rock acéré à la voix canaille, l’inaugure d’ailleurs merveilleusement. On retrouve, avec jubilation, le registre rauque et mélodieux qui sied parfaitement au clan. Le niveau atteint est au delà de tout soupçon, le choix d’alterner entre rock cru et pop claire ou sous tension judicieux. Ca fait du bien, un bien fou, de renouer avec les Muses.
Maria Laguna, pour parfaire l’amorce, scintille dans ses draps pop. On n’est pas dans une douceur ennuyeuse, le propos est animé et se pare de notes subtiles plus que plaisantes. Sur la fin, les guitares amorcent un virage noisy sans que celui-ci survienne réellement. Mais Bo Diddley bridge, sur lit de riffs crus, explore lui la planète rock, dure et lancinante. Vocalement, il semblerait même que la fondatrice du projet ait, encore, gagné en impact. Ou peut-être est-ce la joie, pour moi le féru de l’époque concernée, de retrouver le son du groupe, intact. Il n’empêche: sur le morceau, le rude et des instants d’accalmie voisinent sans se tirer la bourre. Milk at Mc Donald’s, à la suite, suit un chemin souillé, songeur aussi, qui en fait un essai concluant.
On en arrive ainsi au mitan de l’opus sans aucun raté. Upstairs Dan est psyché, noisy, autant dru que spatial. Throwing Muses trouve, dans sa posture polie et mutine, proprette et salie avec soin, une assise certaine. St Charles, où les guitares se montrent une fois de plus « dirty », en fait reluire la facette maculée, que le chant modère joliment. Mais celui-ci, quand arrive un délicieux Frosting, s’endurcit. Le titre, batailleur, est un must. A l’image, finalement, d’un Sun racket que j’aurais juste, pour ma part, fait pencher de façon plus ouverte du côté rock, direct et sans révérence. J’ergote cependant, le disque est une pépite dont les écoutes successives révèlent toute la portée. Il donne l’envie, parallèlement à celle de l’auditionner fréquemment, de retourner fouiller la discographie de la clique, très fournie.
Sur la fin, Kay Catherine calme le jeu. Subtil mais fiévreux, il offre des envolées de toute beauté. Derrière, les guitares annoncent le crue. Mais on s’en tient, finalement, à des atours borderline qui ne rompent pas. Enfin Sue’s, aux reflets célestes, tutoie les étoiles. Sa fin, magnifique, dégage une musicalité confondante. Même « sage », Throwing Muses retient l’attention. Son come-back est réussi, il séduit dans toutes ses options et rejette un jus pop-rock diversifié, pertinent, et la sève noisy nécessaire. On s’en réjouit, dans l’attente de revoir le projet sur les planches où, armé d’une remorque pleine à ras-bord de titres inattaquables, il saura ravir ses assistances.
Pour l’heure, et pour une durée conséquente, poussons le volume de ce Sun racket rutilant, sans fausse politesse, accompli et exempt de remplissage. Présent depuis 1985 sur le plan de ses sorties, passé par des labels prestigieux et aujourd’hui niché chez Fire Records, une autre structure d’importance, Throwing Muses démontre qu’après tout ce temps, il tient encore et plus que jamais la route et le haut du pavé.