Ahlala, la magie des labels, le transport du son! Avec Glitterbeat, soniquement, tu pars en vacances. A l’autre bout du globe, au son de formations (Bantou Mentale, Ifriqiyya Electrique, TootArd, Tamikrest, Altin Gün et j’en passe: le catalogue est chargé!) qui s’affairent à bousculer nos sens. En compagnie dAmmar 808, le projet du producteur tunisien Sofyann Ben Youssef désormais basé à Bruxelles, on n’y coupera pas. Le maestro est allé en Inde, il y a « chopé » des sons émanant de transe des temples, de musique carnatique ou encore de performances liées au théâtre de rue. S’en imprégnant jusqu’à nous préparer ce Global Control / Invisible Invasion tribal, novateur, qui génère des sensations similaires à ce que peut engendrer la troupe menée par François Cambuzat, nommée plus haut. Entre ses racines tunisiennes donc, des voix typées et une coloration issue du pays exploré, il ne tarde pas à faire valoir, quand se présente Marivere gati (feat. Susha), un répertoire possédé. On a l’impression d’y être, le sentiment d’être arraché de nos repères. De secousses électro trépidantes en chants habités, on ne peut, à l’écoute, rester de marbre.
Ey paavi (feat. Kali Dass) nous gagne à l’identique, ses boucles et sa coloration un brin dub, ses voix loquaces, auront raison de toute résistance. Les intervenants sont nombreux, chacun apporte sa touche et la pertinence demeure. C’est la transe, ça sent pas le rance. Au contraire, de l’album d’Ammar 808 se dégagent de fortes odeurs d’ouverture au monde. Des saveurs épicées, des salves émaillées de percus endiablées. Mahaganapatim (feat. K.L.Sreeram) fleure le Maghreb, s’agite lui aussi sous l’impulsion de rythmes en vagues et de senteurs d’ailleurs.
Mahaganapatim (feat. K.L.Sreeram), où la voix se montre encore complètement captivante, la cadence dense, mène tout droit à la danse. Une danse qui débouche sur l’oubli, l’abandon, le lâcher-prise. Le pouvoir d’évocation de Ben Youssef, sa capacité à intégrer les sons, les cultures, en fait un artiste à se garder sous le coude, rare et précieux. L’énergie est son essence, le pluralisme son moteur. Duryodhana (feat. Thanjai Nayandi Melam) se lâche complètement en sa fin. Transe, vous disais-je. Imparable. Geeta duniki (feat. Susha), plus aérien, fait valoir des séquences proches de l’excellence. Global Control / Invisible Invasion est un opus remarquable, aux shoots réguliers d’inspiration mondiale. Musicalement, on ne ferme jamais la porte. Arisothari yen devi (feat. Kali Dass), sur un ton dub psyché et vaporeux, entrouvre de façon plus large encore la bicoque d’un collectif uni.
Plus loin, Pahi jagajjanani (feat. Susha) et ses motifs animés, son électro dark bien underground, gomment toute forme de doute quant à la fiabilité, à la vérité du rendu. Ammar 808 impose ses contours, son approche. Le beat de chez Glitterbeat fait mouche, conformément à nos attentes. Summa solattumaa (feat. Yogeswaran Manickam) résonne une dernière fois, porté par une électro frappée, un organe vocal comme d’habitude racé. C’est du tout bon, les huit plages livrées consacrent, après son Maghreb United de 2018, Ammar 808 et son désir constant de nous emmener dans les passionnants méandres de son voyage sonore et mental.