Visiblement en pleine forme, A Shape place, sous le même étendard noise-rock, Sasha Andrès (chant), d’Heliogabale; Eric Pasquiet (guitare), Mathieu Le Gouge (basse) et Anthony Serina (batterie). Iron Pourpre est son deuxième album, après Inlands qui date de mai 2017 et comprend lui aussi sa série de titres impétueux. C’est Nicolas Dick, de Kill the Thrill, qui masterise l’objet, indomptable, auquel s’associent aussi Philippe Tiphaine (Heliogabale, Business with the clouds) et Quentin Rollet (Red, Vomir, Melmac et…Prohibition). Voilà une équipe de briscards, prête, évidemment, à en découdre. Et à faire déferler, sur nous pauvres auditeurs captivés, un torrent sonore duquel émerge l’organe caractéristique, tourmenté, de Sasha. Black mamba se présente, strident, pour valider mes dires. Il y a du Sonic Youth dans le son, noisy, parfois un peu plus rêveur dans certains élans (remember Kim Gordon, son chant changeant et les climats versatiles de son combo). Si A Shape est brut, il est aussi contemplatif. Ses ruades balayent tout sur leur passage, son équilibre sur un fil entre rudesse bien…rude et susurrations assied sa personnalité. Echoes, de guitares batailleuses qui laissent des traces en vocaux à la lisière du sensuel, en couple avec une rythmique capable d’investir tous les terrains, confirme. Saperlipopette, j’en perdrais ma salopette (ne me demandez pas ce que l’expression vient faire ici, il semblerait toutefois qu’elle traduise une certaine forme de bonheur auditif).
Alors on aime, tout autant, quand Iron Pourpre « calme » le jeu. Ses contrastes ont du relief. Ses durées parfois étendues ne concèdent rien à la médiocrité. Morning faces fait bonne…figure, il tranche la couenne à l’aide de riffs-silex. Noise oui, chaotique oui, cohérent encore plus. A Shape est spontané mais loin du décousu. On y trouve des traces d’Heliogabale, logique au vu de son pedigree. On en extirpe une maestria, une furia noise qui feront de leur disque une rondelle à posséder. Crave génère…du craving, en animal noise sonique et compact.
En colère, Hush brame et déborde. Si le jour filtre à l’occasion, c’est un propos gris, ramassé, que le quatuor et ses brillants acolytes font le plus souvent valoir. Sasha, quand son chant retombe, assure le contre-pied d’une instrumentation Sonic. A chaque titre, on livre nos deux oreilles. Sans douter un seul instant qu’à l’arrivée, ces dernières frétilleront de satisfaction. Lungs vient groover et gronder, il exhale une attraction sonore, où le sax de Quentin couine comme on aime, extrême. Comme, encore, Moore et compagnie. A Shape, est-il besoin de le rappeler, est cependant complètement individuel dans ce qu’il produit. Son rendu lui revient. Il est à classer dans les irréductibles, dans la contrée de ceux qui tendent leur majeur à la concession. Avec Vertical flex, de crissements en murmure, du sauvage au feutré wild, on se fait tarter, encore, avec délices.
Torturé, l’ensemble fait trembler les murs mais ses fondations tiennent bon. Random error, d’abord presque serein, fait ensuite son White kross. On pourra aussi parler de Schizophrenia à l’endroit d’A Shape, majeur dans son labeur. En arrivant à l’amalgame parfait de ses composants, de ses membres et de leur apport, le projet est plus que légitime. Il ne laisse que peu de répit aux admirateurs, sollicités de bout en bout par un tout sans brèches. Thirst trip lâche des riffs d’une rugosité terrible, offre des parties tribales passionnantes. Ses humeurs varient, elles sautent à la gorge de celui qui, il fera bien, s’y plongera tout entier. Dans la voix comme dans les trames, A Shape parcourt des montagnes russes qu’on n’a pas fini d’arpenter.
La descente s’amorce avec Trans, au bout de la transe pourrait-on dire. Le morceau menace, Quentin le perle de manière, à nouveau, déviante. Il n’a jamais été question, de toute façon, de suivre les balises. Trop commun, trop normé. Le groupe préfère les sorties de route, les virages brusques et pourtant sans dommage pour son ouvrage. C’est là qu’il excelle, c’est là que réside son aire de jeu fétiche. Cessons là d’épiloguer, A Shape apporte à notre scène, avec ce parpaing racé, de quoi établir plus solidement encore sa belle assise.