(Hyper?) actifs depuis quelques temps déjà, les deux barjots/géniaux de La Jungle ont eu l’idée suivante, largement validée par l’écoute du disque qui en découle: confier les morceaux de leur énorme Past // Middle Age // Future, leur dernier album en date, à 24 djs, groupes ou membres de groupes pour un total de 2h de musique électronique mêlant ambient, expérimental, électro, house, techno, noise et « not only ». Le boulot fourni, colossal, enfante donc ce Past // Middle Age // Future // Remixes généreux et trippant sans relâche, cosmique, cinglé, sombre, enlevé, addictif. Oui. Parce que chez ces deux mecs-là, on fait tout bien; on est bien entouré, on fonde un son à soi, un label tout autant à soi, on collabore avec pléthore de formations qui, ici et en plus d’être individuellement fiables, sollicitent les sens de manière constante. Comme Jim et Roxie, déconstruisant pour, finalement, réinventer magnifiquement le répertoire des énergumènes belges. Lesquels, après un Split avec Hyperculte qui suivait un live de taille mastoc, enfoncent définitivement le clou. De leur excellence, de leur indépendance ouverte à l’autre dans le même élan. D’un carnet sonore jamais fermé, ouvert, on s’en frottera les écoutilles, à la refonte.
Allez, on embarque donc. Précédant Le Belge Electrod – Le Invisible Child (The Invisible Child remix), mémorable épopée tribale secouée et nébuleuse, on quitte le tarmac avec Techno Thriller – You Say Amen I Say Sword (remix): on prend le vent et on frise les hauteurs les plus élevées. Calling Marian – The Invisible Child (remix), qui fuse entre kraut et techno où les motifs trépident, prend le relais, suivi par Almeeva – In the Trance (remix) à la pulsation, une fois encore, prenante, céleste dans son côté appuyé, aux voix trafiquées comme une BM après « emprunt ». Avec La Jungle, tu es de suite emmené, catapulté, là où tes écoutes ne t’ont encore jamais porté. Décrire une sortie de ces messieurs, c’est un peu La Jungle: ça fuse et ça bruisse de partout, c’est chaud et cadencé, touffu et sans répit. Pierre (Fuse / Lessizmore) – Lost In Transition (remix) impose dix minutes, oui messieurs-dames, de dommage psychique délicieux.
Je pense sans cesse ou presque, quand je m’envoie ce shoot de nectar sonique, aux Young Gods. Eux aussi, leurs remixes suscitent l’adhésion, explorent des sphères de folie. Pasteur Charles & Dj Tsygan – The Boring Age WTF Are We Doing In Ibiza (The Boring Age remix) t’ouvre les portes d’un club souterrain, dark et joueur dans ses sons. A chaque resucée, on se fait aligner. N’attendez pas de La Jungle, et de sa batelée d’amis défricheurs, qu’ils vous concoctent le plus reposant des écrins. Il sont là pour vous renverser, vous tournebouler la trogne, et se permettent même de dubiser le bazar avec maestria (Clarence N’Bari III Jr. – Iltapealaidedos (remix)). L’éventail impressionne, malgré son déploiement il reste abordable. MadMadMad – Hey Ha Hey Ha (remix) entame une sarabande funky démente, Françoise Pagan, Order & Tremble – The Knight The Doom (remix) spatialise un titre d’origine déjà exceptionnel tout en en conservant l’énergie incoercible. Jack Pattern – You Say Lost I Say Transition (You Say Amen I Say Sword + Lost In Transition remix) plante un psychédélisme aux phases perchées, pesantes et répétitives. On n’est pas au bout de nos salvatrices peines, Mandaï – The Boring Age (remix) boucle et saccade à l’envi et signe un essai expérimental, laissant après cela DC Salas – Iltapealaidedos x The Invisible Child (remix) placer un rock intersidéral fatal.
Les climats, s’ils s’avèrent variés, affichent de plus une réelle pertinence. De ce tout, on ne peut exclure telle ou telle ritournelle. On a déjà capitulé, livré à la mainmise des intervenants mobilisés. Ca danse grave par ici, on oublie vite ce qui peut se tramer autour. On s’oublie aussi. VF089 – You Say Amen I Say Sword (remix) rejoint un chemin cosmique, l’option fonctionne avec autant de magie que l’orientation plus frontale. Elle s’agite, après son amorce. Osica – Hey Ha Hey Ha (remix), braillard et offensif, démontre qu’on peut refiler un seul et même morceau, ici, à différents artistes: de façon bluflante, le rendu distingue très nettement ces derniers. Hey, ha, hey, haaaaa, me mets-je à hurler dans ma modeste demeure. Ensemble Économique – You Say Amen (You Say Amen I Say Sword remix) me fait clore les yeux, me dépayse, me refile, aussi, ses bruits irrévérencieux. C’est Oiseaux-Tempête, pour le coup, qui surgit dans mon esprit. Johnny Superglu – The Invisible Child (remix) arrive, fort lui aussi de rythmes et sonorités qui m’arrachent de mes peinardes bases. Tabasse Rumba & The Choolers Division MCS – The Serf Caresses The Head Of His Lord (remix), qui me réjouit au plus haut point puisqu’il inclut deux personnes en situation de handicap sacrément douées, laisse son flow scandé faire la diff. Il breake, puis met en scène un hip-hop taré. Bordel, j’ai pas le souvenir de m’être enfilé une telle lampée de déviance inspirée!
A l’issue, Rodolphe Coster – You Say Amen I Say Sword (remix) sonne, merveilleusement, comme des cuivres rouillés paumés dans la stratosphère. Simon Halsberghe – Iltapealaidedos (remix) convoque une sorte de rap véner, malade et fou. Voilà ce qu’on aime, voilà pourquoi on adule La Jungle et son entourage de gens fiables dans leurs écarts. Sur le plan sonique, Past // Middle Age // Future // Remixes n’a pas son pareil. Why The Eye ? – You Say Amen I Say Sword (remix) fait la nique au cortex qui, pris dans une spirale psyché au ralenti, ne contrôle plus rien. La dopamine inonde, par flux nourris, l’auditeur de ce triple vinyle plus qu’immersif. Sorti de sa torpeur, l’amateur en question retrouve toute sa vivacité au son de Rraouhhh! – You Say Amen I Say Sword (remix), puissant. Comme je vous disais, et je me plais à le répéter, on ne peut être dans une sérénité totale à l’écoute de ces vingt-quatre bombes. Il y a de l’indus dans le dit remix, qui pusse plus loin encore la démarche ambitieuse et parfaitement tenue de La Jungle. Poladroïd – You Say Amen I Say Sword (Shashka Version / Russian Steel Edit / remix) balance une techno acide, te sert du son canaille en veux-tu en voilà. Une fois de plus, on s’élève très haut, on referme plus fermement encore le casque sur nos oreilles rougies par le bonheur.
En guise de final, la furie de The Angstromers – The Knight The Doom (remix) crame tout sur son passage. Ses vocaux tchatcheurs font aussi sensation. Sans chaines, le morceau assène ses percus, fend le ciel à toute berzingue. Une accalmie, mamie? Que nenni, ou alors sur une poignée de secondes, pas plus. C’est un ravage, sauvage et pénétrant, qui pète les dents. Il faut alors en finir; Sawt – Lost In Transition (remix) nous ramasse à la petite cuillère. Comme pour nous remettre, il exhale une symphonie céleste rêveuse, en conclusion d’une collection enchanteresse. La Jungle, sur un format plus qu’étendu donc, poursuivant imparablement son entreprise de « fusionnage » sonore, de télescopage des genres, avec pour effet de complètement posséder son assemblée. S’il aurait pu paraître excentrique, un brin foutraque et il arrive qu’il le soit, Past // Middle Age // Future // Remixes est un must définitif, à l’instar de toute rondelle émanant des esprits fertiles des deux bonshommes de Mons.