Groupe canadien, de Lethbridge, Body Lens évolue entre art-rock et post-punk. BL DLX regroupe ses deux premiers EP, dans une jolie cassette éditée par Et Mon Cul c’est du Tofu? C’est du tofu oui, assurément, et ça fait jouir les feuilles de chou. Entre voix grave stylée/loufoque (Fred Schneider style? Les B 52’s sont a juste titre mentionnés quand on tente de décrire Body Lens), finesse d’un post-punk à la vivacité appréciée et bourrades un tantinet noisy façon Sonic Youth « Rather Ripped« , le combo s’y entend pour, sur ce rectangle de plastique rétro et classieux, performer sans flancher. Value convoque tous les éléments précités, faisant d’emblée valoir une certaine identité. Dans les guitares, j’entends un peu, aussi, du REM des débuts. Celui, immanquable, de Murmur ou Reckoning. Il va sans dire que ce que fait Body Lens s’écoute tout plaisir déployé. Fixing entérine d’ailleurs les bonnes dispositions de ce quatuor où se côtoient deux hommes et deux femmes. Des accélérations, bienvenues, ponctuent le morceau. Les six-cordes y dévient à la manière de la paire Moore–Ranaldo. Empty space se présente, plus lent et introspectif, en rappelant un peu, d’ailleurs, les débuts du clan de Kim Gordon tant dans son rendu que par son nom. Il tranche de façon probante avec ce qui le précède.
Mikey, juste après, allie grattes finaudes/tranchantes et basse rondelette. Le chant reste grave, la rythmique sans complexité, redoutable d’efficacité dans son apparente simplicité. Body Lens a trouvé la recette, fatale, qui comblera les fans et lui assure un cachet récurrent. Il y a des relents de cold-wave dans ce qu’il met en place, on s’en plaindra fort peu. Jiltz confirme la chose; la basse en mène l’avancée, très en vue et en relief froid. Yut déboule ensuite, alerte, asseyant le brio entrevu. La découverte, c’en est une pour moi, se garde et s’exploite. Elle se partage, aussi, avec le plus grand nombre.
Avec BLP, on entre plus franchement encore dans des terres cold. Joy Division n’est pas loin, Body Lens greffe à ça une morgue punk dans le chant qui fait son effet. Fading, plus « poppy », déroule un post-punk aussi clair que doté de grisaille. Le timbre de voix, comme à chaque essai, engendre une accroche durable. Ikon, saccadé, augmente la liste des réussites sans appel. Dans la subtilité qui accompagne ses trames, le groupe évoque Motorama. Abouti, BL DLX fait la preuve d’un savoir-faire indéniable. Enfin Leter, aux motifs à la Talking Heads, s’africanise quelque peu. De bout en bout, la formation de l’Alberta nous procure un plaisir considérable. Elle n’évolue en aucun cas, c’est un plus, sous les projos mainstream. C’est tout le contraire, en atteste l’attitude complètement DIY de son précieux label.
Si ce dernier a récemment décidé de stopper son activité, mise à mal par la conjoncture actuelle (et pas que), il nous lègue de sacrées belles pièces, toutes insoumises. BL DLX en est bien évidemment, on en tirera un profit maximal et dans la foulée, je suis allé m’envoyer un petit Split Chafouin/Lapin, réalisation de choix parmi tant d’autres issues de chez Mon Cul. Je ne saurai que trop vous conseiller, par conséquent, de vous ruer sur les supports de la dite structure, aux antipodes de la bouse commerciale plébiscitée ça et là par ceux qui n’ont rien capté au bazar.