Projet fondé par par Yannick Rault en 2019, après que celui-ci ait sorti entre autres, sous l’appellation MAUP, des sessions couvrant la période 2011-2017, Closed Mouth sort avec ce Conversation Piece son troisième album. Le premier, en revanche, pour le compte du label concerné. Si ses influences, en termes de courants musicaux, sont variées, le rendu, excellent, renvoie assez fréquemment à la mélancolie d’un The Cure. Intro, qui inaugure l’opus, est spatial. Mais bien vite, on développe une trame cold-wave entre guitares de classe, aux confins du psyché, et voix grave (Days go by). Il s’en dégage un air de froid qui saisit, dans lequel on se drape. I can see, vivace et cinglant, renvoie lui aux premières heures de Killing Joke. Les morceaux sont de qualité, Something precious évolue dans une veine plus saccadée mais tout aussi marquante. Il produit, à l’instar de Days go by, une impression de psychédélisme céleste, de tristesse à la manière d’un Disintegration, de noirceur ère Pornography. Closed Mouth a bien fait d’ouvrir sa bouche, ce qu’il nous raconte vaut bien qu’on y porte de l’intérêt. Never getting old, basse en relief et climat lancinant en avant, imprime encore plus intensément la touche Closed Mouth.
Qu’il opte pour une exécution alerte ou qu’il « fige » ses atmosphères, le projet parvient à captiver. A void, dans ses cadences hachées qui ne sont pas sans évoquer, de loin, les 80’s, va en ce sens. L’ambiance fait la différence, le froid des compositions amène l’auditeur à s’immerger, loin de le laisser de marbre. Your eternal sleep, avec, comme à l’habitude, une basse charnue et des guitares qui perforent, use d’un tempo « découpé ». On note la valeur des chansons, toutes estimables. Two ways to choose, clairement plus direct, m’évoque ce qu’a pu faire Rendez-Vous. C’est dire la fiabilité de Conversation Piece, qui à son tour va honorer la scène du pays.
On décèle, dans la cold récurrente du projet, une louche de « gothisme », une pincée, également, de deathrock enlevé. Rault a l’art de bien doser les éléments, de s’appuyer, donc, sur des milieux attrayants. Your mind, appuyé, inclut tout ça de manière ajustée. Words in a lost box, lent et pas loin d’être « lumineux » dans ses contours grisés, valide la propension du musicien à varier son approche. Il ne s’y perd pas, ne nous y égare pas non plus. Worthless, qui développe un format plus long, semble s’enfoncer dans un abîme, noir, profond. Sa durée conséquente en enfonce la teneur dans les esprits. Conversation Piece est un album qui imprègne, immersif. Il ne chante certes pas la joie, mais il en sèmera dans les âmes. Voices, chargé de mettre un terme au digipack obscur, sorti chez Icy Cold Records, pénètre ainsi sans se hâter, en instaurant sa touche, les trognes. Vrillé et pesant, il flirte avec l’indus de par sa réitération.
Le label nommé plus haut, avec un tel boulot, ajoute à son catalogue une pièce à ne surtout pas négliger. L’intérêt qu’elle suscite nous donnera l’envie d’aller piocher dans les oeuvres antérieures de son auteur, qu’on présume aussi typées et qualitatives que ce Conversation piece.