Groupe où on déniche Peter Murphy, qu’on ne présente plus, allié au guitariste Dan Comerford et à des membres du groupe irlando-allemand Bloco Garman qui, eux, cognent des tambours, Cursed Murphy Versus the Resistance est un projet atypique. Après quelques expériences live bien vécues, la clique décide d’étendre l’investigation sur un support. Ca nous donne, et je m’en réjouis fortement, ce disque éponyme sorti pour l’heure en digital, sa version physique étant prévue plus tard dans l’année. On y tire profit de dix morceaux hors-champ dont le premier, un Burn hibernia burn incandescent, dégage une force à la Ifriqiyya Électrique, dans un esprit similaire en tout cas. La diction entre post-punk et hip-hop, les percus assénées, serties d’élans vaporeux, produisent déjà un putain d’effet. La bande se distingue d’emblée, elle creuse un sillon singulier. On pense, vocalement, à un Nick Cave dans sa version fiévreuse. La chanson est batailleuse, des encarts bruyants la lézardent. Climb, post-punk groovy, minimal mais extrêmement marquant, voit les vocaux déblatérer à nouveau de manière ouverte, sur fond d’instrumentation qui, à l’occasion, percute le krautrock. L’intensité est palpable, des zébrures abîment le morceau jusqu’à le sublimer. Il me semble, à ce moment, qu’on est d’ores et déjà lancés dans une course à l’excellence. This cursed earth, sur un ton hip-hop posé et bien serti, aux couleurs jazzy, fait dans la joliesse. Dans le même temps, les thèmes abordés sont loin d’être négligeables.
Plus loin, The bells of hell est vindicatif dans le chant, plus léger dans son décor, et rythmiquement affirmé. Il véhicule une certaine rage, monte imparablement en intensité mais conserve, derrière ça, une belle vêture. Foxhole prayer, sorte de noise-rap grinçant, riffe fort et impose son inexorable avancée. Il offre, également, des notes blues. Le collectif, au sein duquel on note aussi la présence de Johnny Fox et des frangins Byrne (Cillian et Lorcan), alors que les soeurs Gangnus, avec Kevin Dillon, assurent des cadences solides, trouve là un langage au delà de l’attrayant. La diction de Cursed Murphy’s blues, sa posture entre les styles, en fait une nouvelle perle. Je le prétends sans retenue, le debut album de Cursed Murphy Versus the Resistance est intégralement captivant. Il offre régulièrement, de plus, des bijoux sonores qui le renforcent dans son impact en l’ornant magistralement.
The poor mouth, où voix et percus mènent d’abord la danse, remuante et narrative, allie Soul Coughing et The Ex. Diantre, c’est du costaud que Murphy et ses complices de déviance nous mettent dans les oreilles! Si le nombre des intervenants est conséquent, la pertinence du rendu, son audace itou, ne le sont pas moins. Avec Rise again, Comerford narre sans faiblir, son écrin est subtil. A l’écoute, on est autant dans la beauté que dans une fusion qui crache sa bile. On n’apposera aucune…résistance à Cursed Murphy Versus the Resistance, fort d’une oeuvre forte. The resistance, justement, éructe et sonne la charge. Il bruisse de toutes parts, un peu à la Oiseaux-Tempête. On en vient alors à la fin des débats, particulièrement relevés. On ne s’est pas ennuyé une seconde, happé par la verve et le savoir-faire des belligérants.
C’est alors We are dead stars, où Cillian Byrne installe son spoken-word, qui impose son ombrage, son climat angoissant. En sa fin, il se fend d’une incruste de toute beauté, s’envole et renvoie une beauté bluffante. A l’issue, on remettra prestement le tout en lecture, doué de la certitude qu’avec ce projet génial, on tient un opus squatte-platine qu’il sera bien difficile d’extirper de nos machines à sons.