Fondé en 1987, basé à Bordeaux, Abus Dangereux est un magazine de rock, imaginé, écrit, géré par des bénévoles dont la caractéristique première est d’être des fans absolus de musique. Premier bon point. Il inclut depuis un bon moment déjà, cerise sur le riff, un CD Sampler où figure la crème de l’indé d’ici et d’autre part, sélectionné avec soin et doté d’une belle diversité. Cette nouvelle rondelle qui accompagne le # 154 du fanzine n’échappe évidemment pas à la règle. Elle dévie du chemin aux courbes droites en débutant par un titre de Pascal Comelade, par ailleurs en couverture du mag: Don’t touch my blue oyster shoes. Un instrumental cinématographique, décalé, qui présente l’ensemble avec joliesse. Et dont le relais est attrapé par M.Ward, pétri de finesse lo-fi au moment de nous léguer son Independent man. Dans sa feutrine jazzy, suivant un chant sensible, voilà un morceau léger mais prenant, qui s’envole et enchante. Un peu rêveur, un peu lunaire, complètement envoûtant. Tout comme le sera Baddies, merveilleux titre de Lanterns on the lake. Il y a du Elysian Fields dans le rock à la fois soigné et piquant de ce groupe, qui par ailleurs fait sensation de par ses chants unis et envolées mordantes. Mordant que l’on retrouve dans le rock bluesy de Dario Mars (Twilight man). Une plage qui sent le classe et la crasse, se fait belle dans son cambouis sonore.
On y est accoutumé, il n’y a sur les collections Abus Dangereux que des perles définitives. Leur abus est recommandé. KOMPROMAT, avec Das grab, nous refile une pépite d’électro sombre, un tube du style mis en avant. Ses bruits inquiétants, ses nappes froides et son chant imagé, féminin, tutoient les cimes. Thee Sweeders, Real cool time en bandoulière, versent eux dans le rock à la vigueur punk, direct et joliet grâce à ses claviers. En moins de dix titres, on voit déjà défiler des essais de genres différents, qui ont en commun une qualité conséquente. Destination lonely, dans un rock dirty et braillé, plutôt « n’roll » et fuzzant, y adjoint sa gouaille (Day by day). C’est une évidence, le recueil d’Abus Dangereux engendre la découverte de formations aux vertus qui ne seront pas tues. Au contraire, il importe, il s’impose, d’en vanter les mérites aux quatre coins de rue. D’en acquérir, aussi et surtout, les précieux supports.
Ainsi Not your animal, avec Neighbourhood, fait-il dans le rock, à nouveau, sous tension. Sans rejeter les belles ritournelles, le groupe opte pour de la high-energy racée. Il laisse à son tour une trace profonde, que The Sonic Preachers foulent avec ferveur, d’un Iggyesque -dans le chant- Little colonel Sparrow. Je le clame souvent, ce CD Sampler appuie mes dires à merveille: c’est dans la sphère indé qu’on déniche les meilleures niches. Qu’elles soient offensives ou, à l’image des Mains de Bianca d’Orwell, suivent un tracé plus orchestral, renversant de grâce, les compositions jouées ont des airs de reviens-y. Cabane, qu’on imagine d’un bois rustique à l’écoute de sa création, le confirme en posant un scintillant Easily we’ll see, folk-indé de première main. Bärlin, en offrant ce Glasshouses tiré de son excellent The dust of our dreams, emprunte une voie peu commune, aux confins du jazz, de la cold-wave et de…Bärlin. Son style est unique, passionnant.
Pour étendre le bonheur, J.P. Shilo fait ensuite montre d’un velours vocal magique (Widow’s peak). Puis Hilary Woods, sur Tongues of wild boar, plante un climat dark, accrocheur et élégant dans sa grise couleur. Un lingot de plus pour finir ce Sampler…sans reproche, qui comme à son habitude et fidèlement aux jolies pages glacées qui l’enferment avant qu’on l’en extraie pour, prestement, le glisser dans sa pochette et sa tracklist (Abus Dangereux a décidément tout prévu), tourne dans nos lecteurs pour attiser notre plaisir sensoriel. Vivement le prochain!