Producteur, performer, vocaliste, DJ, le Bruxellois Tarek X nous fait don avec ce I-V de son tout premier EP. Il l’a concocté avec l’appui d’Apollo Noir (Jeanne Added, Bagarre, Buvette). On y trouve, avec délectation, un son club énergisant, souterrain, qui navigue entre techno, post-punk dopé…au synthé, vagues ambient et bribes de courants divers. C’est une réussite, très souvent « up tempo » que Faeries met en avant, vivement, après une amorce nuageuse mais qu’on pressent ensuite trépidante. Le chant est fou, folle pourrait-on dire. A l’instar du contenu, on n’en définira pas le genre. On l’écoutera bien fort, en s’enivrant de ses boucles qui virevoltent et percutent la piste. Alors on danse, emporté par une électro qui tabasse de façon maligne, pensée. Sombre et taré dans certains passages vocaux, l’ouverture nous dévoile un projet d’ores et déjà singulier. Profitons-en, ce n’est pas forcément monnaie courante dans ce style et, de façon générale, dans le paysage sonore actuel. Et voilà que les gimmicks un brin 80’s de Go leave, insistants, en nous virant de nos bases tout en surplombant une voix elle aussi décalée, forcent l’adhésion à l’éventail musical bien déployé du bonhomme. Le Belge y met de la conviction, sa pluralité dans l’activité et son parcours déjà chargé créditent visiblement son boulot.
Ce n’est sûrement pas avec Witch bitch, où on entend des chants à nouveau fous, des sons en torrent à la crue dévastatrice, des synthés incontrôlés, que cesseront les gesticulations. I-V fout l’bazar, avec Clito manifesto il vire RnB dirait-on, se fait plus spatial, puis s’emballe parce qu’ici, on ne peut faire dans l’uniforme. Pour ce qui n’est qu’un début, Tarek X suscite l’envie de plus, le désir de le voir exploiter plus profondément encore un sillon que de toute évidence, il fait sien avec une belle brouette de savoir-faire.
Si I’m a somebody, dernier morceau des cinq joués, semble en première instance s’assagir, il mue toutefois très vite en une incartade céleste-ambient ample et sonique. On ne parviendra toujours pas, pour le coup, à classifier l’ouvrage. Tarek n’en a cure: il n’a besoin de personne, si ce n’est l’équipe mise en l’occurrence à son service, pour se distinguer et multiplier les pieds de nez à la prévisibilité. Il s’inscrit dans une mouvance qui laisse à entendre, brièvement, de vagues émanations stylistiques. Mais au bout du compte, c’est lui et sa touche « maison » qui squattent les lecteurs et marquent les esprits. Avec sa zik dansable et déviante, il pourrait même fédérer, rassembler des franges aux intérêts différents. Les thématiques abordées, en outre, valent qu’on se penche sur les propos de l’artiste. Ca ne gâche rien car dans le domaine du verbe, il arrive fréquemment qu’on ressente le besoin de « zapper » des lyrics à l’invraisemblable pauvreté.
Photos: Gérald Kurdian.
Ici, il n’en est rien. En plus de ne pas narrer du creux, Tarek X parvient aussi à faire valoir une approche individuelle, concluante quant à ce qu’elle enfante soniquement. On ressent une furieuse envie de se le remettre, cet EP, de le danser après extinction des feux. A la fois vivace et salace, ludique et lubrique, lucide et intelligent dans son discours, sans appartenance définie -ce qui en fait, quelque part, un objet de convoitise-, il mérite assurément qu’on en fasse connaitre la teneur aux quatre coins de nos territoires.