Fondé en 2014 par deux Allemands et un Australien, Heads se base à la fois à Berlin et Melbourne. Son post-punk en ébullition, sur ce Push, démarre en surprenant, par des vocaux sombres presque hip-hop sur fond de bruits indus (Empty towns). On dirait du Dälek, ou encore du Moodie Black. Mais Weather beaten, guerrier, ne peut retenir une noise braillée, puissante, qui remet les pendules à l’heure. Ed Fraser: Guitar, Vocals, Chris Breuer: Bass et Nic Stockmann: Drums, dans un ensemble indissociable, sont bien lancés. Leur furia m’évoque Sleeppers ou Portobello Bones, par chez nous, ou encore un Helmet si on veut se pencher sur les influences, perceptibles mais très bien assimilées. Push you out to sea, bondieuserie post-punk et cold, tranche dans le vif de la couenne. Ces gaillards-là ne rigolent pas; ils lâchent, les dents serrées, des salves sorties des braises. Chacun de leurs titres vaut toute l’attention possible, le tir est nourri, ajusté. Signé chez Glitterhouse, signe supplémentaire de « high quality », Heads peut opter pour de bons pavés, lestes (Loyalty). Insidieux, le dit morceau accroît la liste des travaux probants du clan. On décèle même une pincée de psychédélisme dans les guitares viciées, dans ces vocaux aériens.
Push n’est donc pas linéaire, il n’en est que plus intéressant encore. Rusty sling, saccadé, renvoie à l’instar de la chanson qui le précède cette sensation de volutes psyché, qui me fait penser à l’opus des Autrichiens de Sans secours, Reverb, sorti en 1998. on y trouvait, au milieu de giclées noise-rock, des plages de ce type. On n’oublie pas, prestement, d’accélérer sur fond de voix possédée (l’excellent lui aussi, et véridique dans ce qu’il renvoie, Nobody Moves and Everybody Talks). Une roquette post-punk en trajectoire rectiligne, imparable.
A l’issue, It was important mêle à son tour le céleste et le pesant. Heads fait ça de manière affirmée. L’accroche se renforce, indéniablement. A paradise, lui, me fait songer à Disappears. Diantre, ils sont bons les Heads! Sur plus de sept minutes, la composition accélère, se modère, rentre dans le lard et ensuite, se fait plus incantatoire. J’irai, après tout ça, me replonger dans la boutique Glitterhouse tout en réécoutant cette rondelle accomplie. As Your Street Gets Deserted, pour finir, génère un ressenti similaire à celui qu’avait provoqué l’ouverture de l’album. Le climat, noir, est de ceux qu’on ne peut esquiver.
Mention (très) bien donc, pour Heads, eu égard à la valeur de ses publications. Push n’est pas de ceux qu’on écoute distraitement pour, à l’arrivée, le ranger sans y retourner. Il mérite bien des écoutes, n’inclut aucun temps faible et nous tient entre ses murs, tremblants, de longues minutes durant.