Aguerrie, servie par sa longévité, Lucinda Williams nous surprend avec ce Good souls better angels, nouvel opus rocailleux, plus rugueux qu’à l’habitude. Déjà accomplie sur The Ghosts Of Highway 20 (2016), l’Américaine durcit le ton, fait dans le blues aux tons rock sulfureux, émaille de sa voix typée un disque qui n’attend pas sa terminaison pour, d’une façon qu’on estimera, sonner une charge racée (You can’t rule me), qui se lâche et dévoile des accords rudes. Le chant est sauvage, l’instrumentation offensive. Entre blues et rock donc, échappées guitaristiques aidant, l’amorce promet. Si Bad news blues décélère quelque peu, le contenu reste piquant, tout en se faisant élégant. Les thématiques abordées ne sont pas de nature à réjouir, jouant de façon perceptible sur le ton adopté. On s’en félicite, ça donne un disque fiable et solide. Man without a soul, dans une formule feutrée dont on sent qu’elle peut à tout moment s’électrifier, se retient jusqu’à, en sa fin, offrir une envolée pimentée. Big black train, tranquillisé, suinte la pureté, donne l’impression que Lucinda et son groupe jouent là, à nos côtés. En l’espace de quatre morceaux, on se fait trimbaler d’une atmosphère à l’autre avec, comme dominante, des abords aiguisés. Ceux-ci reprennent d’ailleurs leurs droits sur Wakin’ up, orageux, tourmenté. Dans ses climats qui souvent implosent, l’artiste excelle.
Elle dépayse, à l’occasion, en s’orientalisant (Pray the devil back to hell), en se réduisant par la même occasion à l’essentiel. Le chant impressionne, rempli de relief. La chanson, du même millésime bien mûri que le reste, se hérisse. Même sur ses temps les plus adoucis, tel le beau et poignant Shadows & doubts, une forme de tension, palpable, assombrit le résultat. Ca lui donne, cette ombre récurrente, du cachet. When the day gets dark, subtilement blues, prend en revanche le chemin de recoins paisibles, sans détours grisés. Ca fonctionne tout autant. On pressent cepndant, à l’issue, un retour au rock qui grogne.
C’est chose faite avec Bone of contention, aux bons gros riffs qui chopent les mollets. La voix, une fois encore « wild », dans le ressentiment, amène du caractère. Voilà une rivière de rock’n’roll, du vrai, qui laisse ses guitares lacérer le tableau. Continuons donc, par la suite, sur ces tonalités bourrues (Down past the bottom); ça réussit parfaitement à madame Williams, aux griffes plantées dans l’épiderme de ceux à qui, ici, elle règle leur compte. Elle s’y emploie de superbe manière. Big rotator, en mid-tempo suret, prolonge un passage sans complaisance, de haute volée. Le terme de l’album se profile, on pourrait le regretter mais la valeur du tout nous épargne l’effet. Good souls better angels ne boite jamais, se tient droit et le front haut, fier et défiant. C’est une pièce maîtresse.
Good souls, au tout dernier rang de la collection, ferme la marche avec délicatesse. Bien mis, animé de manière effacée par la batterie et quelques notes pures, c’est une terminaison dans la lignée des compositions du disque, à savoir aboutie, vraie et concluante avec, en prime, ces attaques blues-rock enthousiasmantes qui font une grosse partie de l’intérêt de l’ouvrage.