Ex-Rise and Fall of a Decade, actuels Girls Like You, Thierry Sintoni et Sandy Casado reviennent sur un parcours de plusieurs décennies, riche et prolifique…
(Photo avatar+photo ci-dessous: Sandrine Sauveur.)
1) Quand vous fondez Rise and Fall of a Decade, en avril 1988, quel est alors votre passif musical ? Qu’est-ce qui vous pousse, par ailleurs, à créer un groupe ?
Dans les années 85 , Pierre François et moi faisions partie d’ un groupe avec deux amis qui s’ appelait « Persona Non Grata ». Pierre ne chantait pas encore . Un producteur nous avait repérés et avait enregistré et produit quelques compos du groupe, mais sans grand succès. Après cette expérience, le groupe s’ est séparé. Nous avions, Pierre et moi, encore envie de continuer sans vraiment savoir comment. Un concert de Cocteau Twins à l’Élysée Montmartre, le 3 novembre 1986, a été un révélateur de le direction à prendre.
Dès lors , nous avons commencé à travailler sur nos compositions en s’inspirant de ce que nous écoutions à cette époque. On nous avait prêté du matériel d’enregistrement et un local dans lequel nous apprenions à composer, mixer , produire… Pierre commençait à chanter et à écrire . Nous avons fait la connaissance de Sandy à cette époque. Rafoad était né.
2) Vous arrivez à ce moment dans une scène française foisonnante, a t-il été aisé d ‘y trouver votre place ?
Nos compos sur la compilation Unreleased Vol 3 nous ont beaucoup aidés, elles ont suscité un intérêt qui nous a ouvert quelques portes.
3) En juillet 89, vous créez également le Unity Mitford Studio. Est-ce là le théâtre récurrent de vos prouesses discographiques ?
Nous devions rendre le matériel qu’on nous avait prêté, nous avions eu ensuite quelques expériences en studio qui nous avaient fait comprendre la nécessité d’investir dans notre propre structure d’enregistrement.
Nous pouvions utiliser le studio à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, il était aussi à disposition de groupes qui souhaitaient enregistrer gratuitement leur premier album ou juste quelques titres, comme Planet Zen, French Marygold, Tree’s Dance, Speaking Silence..
Oui en effet, c’était là que tout se passait.
4) En juin 90, vous signez chez New Rose, label pour moi mythique. Grosse référence hexagonale ! Qu’est-ce qui vous a permis d’intégrer cette structure ?
Pour nous aussi c’était un label mythique. A la fin de l’ enregistrement du premier album on avait envie de forcer le destin, nous avons alors pris rendez-vous avec Louis Thevenon pour lui faire écouter nos morceaux. Ce qu’il a fait devant nous, dans son bureau au dessus de la boutique New Rose .
C’est un super souvenir. Sans parler de notre première rencontre avec celui qui deviendra un ami.
5) En décembre de la même année sort Image, votre premier album. Que vous dites-vous à ce moment précis ? Représente t-il pour vous le premier cap d’une longue série espérée ?
On vivait juste le moment, on participait à toutes les étapes de la fabrication de ce premier album. On n’avait aucune idée de ce qui allait se passer ensuite. La seule question qui nous obsédait, c’était comment on allait faire pour la scène, si on nous demandait de faire un concert. L’ écriture d’ un deuxième album n’était pas encore prévue.
6) S’ensuivent, jusqu’à 98, nombre de sorties discographiques, de lives évidemment, et de émissions marquantes dont les Black Sessions de Bernard Lenoir. Que retenez-vous de ce parcours fourni ? Qu’est-ce que ça fait de se retrouver « chez Lenoir » ?:)
De notre point de vue, il ne nous semblait pas si fourni que cela, car nous avions tous les trois gardé une activité professionnelle. Ce qui nous empêchait, par exemple, de partir en tournée. Par contre, pour un groupe non professionnel, nous avions des propositions de concerts, de festivals et d’émissions de radio de grande qualité. Pouvoir jouer à la FNAC en concert acoustique, participer à la route Rock ou au Wave Gothic Triffen de Lepzig, c’était incroyable pour nous.
Quand aux émissions de radio de Bernard Lenoir, les Inrockuptibles et Black Sessions, ou bien « la Grosse Boule » sur Radio Nova, c’était magique. On se demandait ce qu’on faisait la.
7) 98 marque aussi l’arrêt de Rise and Fall of a Decade, vous créez alors Cube-Like People. Qu’a donné ce projet ?
On était toujours à la recherche de sons, de nouvelles façons de travailler. Je proposais à Pierre et Sandy de nouveaux morceaux qu’ ils déstructuraient pour en fabriquer d’autres. Le résultat de ce travail donnait des productions très éloignées de ce que nous proposions habituellement. Nous avons décidé de ne pas sortir ces morceaux sous le nom de RAFOAD, mais Cube Like People.
L’album n’est pas resté dans les mémoires, mais nous a fait progresser techniquement dans des domaines qui nous servent encore aujourd’hui..
8) Finalement, Rise and Fall of a Decade « renaît » en 2005/2006 . Dès lors, la machine est relancée ! Par quoi s’est ponctué votre parcours depuis ?
Après une période où nos vies privées et professionnelles ont pris plus de place, nous nous sommes remis au travail sur l’écriture de nouveaux titres. Nous devions aussi gérer la réédition des albums par le label allemand Ars Musica Diffundere/Black Rain.
9) En mai 2007 vous perdez Pierre-François Maurin-Malet, votre éternel comparse au sein du groupe. C’est de toute évidence un gros coup d’arrêt, pourtant vous continuez à oeuvrer…pour lui, je présume ?
C’était une période extrêmement compliquée dont Sandy et moi gardons peu de souvenirs, tant nous étions bouleversés. Dès que j’ai pu, j’ai mixé notre dernier album « Love it Or Leave it » . Les voix étaient presque toutes enregistrées. Puis nous avons eu l’idée du CD hommage de 12 titres, que nous avons intégré au coffret auquel ont participé des artistes que nous aimions.
L’idée est autant d’ œuvrer pour la mémoire de Pierre François que de rendre hommage aux personnes qui ont participé à l’ aventure Rise and Fall of a Decade. Que ce soit sur scène, dans les maisons de disques ou encore au sein des labels. Pour les amis et pour les fans évidemment.
10) Vous avez récemment réédité les disques de Rise and Fall of a Decade, remastérisés. Y’a t-il eu une demande expresse du public à ce sujet ?
Non, pas de demande expresse. On souhaitait mettre en ligne sur des plateformes de streaming tous les albums, l’idée d’une réédition remastérisée nous semblait plus sympa.
Photo Sandrine Sauveur.
11) Vous avez aussi formé Girls Like You, projet à mon sens trop mystérieux. Le clip de « Tricky », par exemple, ou encore de « I wait for your signs », est excellent, et votre électro-pop douce-amère bien ficelée ! Est-ce, ce projet, un nouveau départ qui vous « couperait » complètement de l’épopée Rise and Fall of a Decade ?
Après la disparition de Pierre François, il nous semblait inconcevable de faire vivre le groupe sans son chanteur, ses mélodies originales et son énergie. Nous avons fermé le livre et nous sommes retournés dans nos vies respectives. De mon côté j’ai continué à composer, j’ai travaillé sur des projets cinématographiques. En 2015, j’ai envoyé à Sandy quelques morceaux, elle a posé une voix dessus et on à recommencé à travailler ensemble.
La façon de travailler avec « Girls Like You » est la même que pour RAFOAD : nous laisser inspirer par la musique que nous aimons et y ajouter notre façon de faire. Les pianos, guitares et violons sont toujours présents, les méthodes de compositions identiques. Nous sommes toujours dans le même esprit de création que RAFOAD, mais dans un registre différent.
12) Où trouve t-on, d’ailleurs, le disque de ce nouveau groupe, nommé He’s a leader ? Je ne savais même pas, et je ne suis sûrement pas le seul, qu’un projet « tout neuf » était sur les rails…
On peut dire que le groupe est jeune et que c’est un peu plus compliqué de se faire une place sur une scène encore plus foisonnante qu’en 1990 .
13) Comment est né l’album ?
On avait une quinzaine de titres plus ou moins aboutis en stock, certains dataient de l’ époque de RAFOAD comme « He’s a Leader » qui aurait dû figurer sur l’ album « Love it or Leave it ». C’était, avec la reprise du titre « A Girl Like You » une bonne façon de faire la jonction. On a d’abord travaillé sur les banques de sons qu’on allait utiliser pour donner la couleur générale de l’album, puis on a créé l’ album titre après titre jusqu’à obtenir le résultat que l’ on souhaitait.
14) Vous reprenez, avec Girls like You, « Love on my side » de Martin Dupont. Grosse influence ?
Pas vraiment. Nous avons rencontré Alain Seghir, le chanteur de Martin Dupont, lors d’un concert de Collection D’Arnell Andrea il y a un peu plus d’un an. Nous ne connaissions pas du tout Martin Dupont et lorsque nous avons découvert l’univers très moderne du groupe, nous sommes devenus fans .
Cela fait quelques mois que nous travaillons ensemble sur la mise en place des titres phares de MD, pour un retour sur scène en 2021. La reprise de Love on My side est un petit plaisir que nous nous sommes offert avec Sandy.
15) Pour en revenir à Tricky, la vidéo m’évoque un personnage un peu perdu, qui se débat avec le quotidien. Est-ce cela que vous avez voulu représenter et au delà de ça, est-ce l’une des thématiques abordées avec Girls Like You ?
Oui d’une certaine manière. Sandy compose les mélodies vocales et écrit les textes, elle a un univers très personnel.
« Tricky » parle de l’impact des croyances sur la vie des hommes et des femmes. Le personnage de la vidéo est inspiré du Joker, un homme qui se débat entre ses voix intérieures inquiétantes et sa forte croyance religieuse. Il doit choisir son camp, une vie entre réalité et schizophrénie. Une vie qui peut basculer du mauvais côté en un instant.
Globalement, les textes du premier album tournent autour de la complexité des relations humaines. L’amour sous toutes ses formes, ses étapes et ses conséquences. Ces différents et puissants sentiments qui vous embarquent dans des situations, des impulsions et des actes les plus merveilleux aux plus tragiques et irréversibles .
16) Comment Girls Like You a t-il été accueilli ? Plus de 30 ans après vos débuts vous êtes encore là, est-ce la passion qui vous porte ?
La sortie a été très discrète, il nous fallu du temps pour intégrer les nouvelles règles de distribution, de communication. Avec le temps, la sortie du EP en janvier, la mise en ligne de nos vidéos, on a de plus en plus de retours. Mais les concerts ne sont pas encore d’actualité.
La passion oui, sûrement, mais aussi la nécessité de composer, de créer, de se retrouver devant une page blanche qu’il faut remplir. Aller au fond de soi pour y chercher ce qu’il y reste de créativité. Ce besoin de faire de la musique concerne plus notre équilibre psychique personnel qu’un besoin de reconnaissance.