Groupe de Chicago, Tijuana Hercules inclut un sax baryton, ce qui lui donne d’emblée une coloration inédite. Ce Evening dressings, fort de sept titres où se télescopent blues, voix typée avec rythmes élevés ou syncopés à l’appui, exerce un bel attrait. Il souffle un rock marécageux, des sonorités qui lèvent les culs des chaises. Let’s Make Our Own Action (et c’est le cas), en ouverture, déploie une identité bien assise. Les Américains s’attellent à se démarquer, ils sont loin de faillir dans leur entreprise et après une visite à leur Bandcamp, il s’avère que leur petit jeu dure depuis une grosse dizaine d’années déjà. La clique est donc rodée, il y a du Morphine dans ses sons de sax, et Hands down pervertit à son tour le blues; il l’affine, le salit aussi, le traîne dans des eaux troubles, pour en rendre une copie entièrement personnelle. On n’est pas dans le commun, la démarche honore John Vernon Forbes– Vocals, Guitars, Keyboards, Synth, Theremin, Joe Patt– Drums, Doug Abram– Baritone Sax, Mike Young– Junk Percussion et Sam Crossland– Keys. Les cinq acolytes, sans qu’aucun d’entre eux ne tire la couverture à lui, font dans l’union déviante.
On en tire grand profit, Solid poursuit sur la voie qui, toute en écarts, allie sax free, vocaux simultanément sensuels et canailles, rythmique carrée et guitares racées. Then after that, au mitan du disque, joue la carte de l’apaisement. Ca lui réussit, il en ressort un climat faussement tranquille extrêmement attractif.
Avec Going to St Petersburg, on renoue avec de l’alerte. Il y aussi, dans ce bazar savant, un theremin qui fait s’envoler certains passages. Des claviers discrets ornent les morceaux, aucune concession n’est à l’ordre du jour. Tijuana Hercules diffère. Le défricheur, le curieux, celui qui apprécie tout particulièrement le son novateur, ancré toutefois dans une époque révolue, y plongera tête la première. Que le ton se fasse rude ou se « feutre » quelque peu, le résultat surnage, bien au dessus de la mêlée. Getting a lift, de ses cadences hachées, se situe à l’exacte croisée entre velours et aspérités. On ne dénombre absolument rien, ici, qui mérite la critique. Il est cependant l’heure, déjà, de clore les festivités. Sept titres c’est peu, quand bien même tous valent qu’on s’y intéresse durablement.
C’est donc Gas pumpwoman, magnifique, sur un mid-tempo où griffures et patine avancent front contre front, ornés de sons superbes (certains évoquant, ce qui est aussi le cas du chant, Jon Spencer), qui s’en charge. Là où d’autres finissent mal, font dans le creux ou le remplissage, Tijuana Hercules termine avec maestria. Evening Dressings, bon de bout en bout, dévoilant donc à ceux qui le connaissaient pas -j’avoue en être- un groupe original, dans la maîtrise affirmée de son art.