Affairé à affirmer sa (ses) différence(s) musicales, ceci sous des formes diverses et immanquablement singulières, le très investi Seb Brun répond à nos questions…
1) Un coup d’oeil à ton site dévoile d’emblée ton activité intense : 5 projets au total (si j’ai bien tout saisi) ! Peux-tu me dire un mot sur chacun d’entre eux ?
Effectivement pas mal de projets ; certains sont très actifs, d’autres un peu plus discrets. Mais malgré une potentielle diversité esthétique, ils sont tous très liés et représentent plusieurs facettes des mêmes principes de composition et de narration.
Il y a donc: Ar Ker en solo, Parquet, un fantasme de rough techno joué en live (2 guitares, basse, clavier/électronique et batterie), Horns, une installation/performance pour improvisateurs et système de diffusion. Également un trio avec Julien Desprez et Clément Vercelletto qui devrait sortir en fin d’année. Et Brut & Tremblant encore plus loin dans les tuyaux.
Je suis ravi, aussi, d’aller défendre d’autres musiques, comme en ce moment Time Elleipsis de Frédérick Galiay, les Démons de Tosca de Vincent Courtois, Tilt / The Dreamer de Joce Mienniel ou Ars Circa Musicæ avec Pierre Alexandre Tremblay et Nicolas Stephan.
2) Ton dernier album en date, dans le cadre d’Ar Ker, est aussi décalé que ce que tu peux faire par ailleurs . Comment ce disque a t-il été conçu ?
Pour ma part, le travail en solo était un long parcours. Pour diverses raisons j’ai eu besoin, il y a quelques années, de m’isoler pendant plusieurs mois. Je suis parti avec mon instrument dans une maison en Bretagne. Je devais éprouver ce genre de moment. J’ai commencé à approfondir plein d’idées qui traînaient depuis longtemps. Trouver des chemins de narration. J’ai travaillé beaucoup sur la batterie étendue de l’électronique, comment intégrer la technologie à l’aspect organique de l’exécution humaine.
Une fois tout ça un peu déblayé, j’ai commencé à ranger. En passant du temps à La Réunion avec les musiciens de Danyèl Waro et Zanmari Baré, j’ai perçu une nouvelle manière d’approcher la musique. La tradition, les états de transe, la transmission d’une histoire. La notion d’état quand on joue la musique est devenu primordiale. “Quand, pourquoi, comment” sont devenus plus important que “quoi”
3) Tu y fais d’ailleurs tout seul, comme un « grand » ! Est-ce pour toi le moyen de te rencontrer sur un contenu n’émanant que de toi et ne devant rien à quiconque?
Comme je disais, c’est un chemin très personnel. Une envie de voir dedans.Je ne le mets pas forcément en face de devoir quelque chose à quelqu’un. Un des vieux clichés de psychologie musicale est que l’on a toujours tendance à se cacher derrière l’instrument. Plus l’instrument est gros…
Dans le solo, je me suis retrouvé à chanter a capella. Sans mysticisme, j’imagine qu’il y a peut être un aspect d’acte symbolique ou quelque chose comme ça
4) Vises-tu, fort de travaux si personnels et exigeants, une caste musicale en particulier ? Il faut, pour s’immerger dans tes ouvrages, être un tant soit peu ouvert et averti…
J’essaye au contraire de ne pas viser de niche, d’être le plus honnête possible dans mes propositions artistiques. Elles sont reçues comme et où elles sont reçues. En visant une “caste” comme tu dis, on s’oblige alors à en respectant les règles. C’est très contraignant.
Sans être complètement didactique, j’ai l’impression que l’on peut peut-être amener les gens où l’on veut, en jouant avec les codes, en travaillant sur le temps et la narration. On peut arriver à une vraie radicalité et pas simplement une posture.
5) Comment t’est venu le désir de maltraiter tes fûts ? J’imagine qu’il s’agit là d’un vaste terrain d’expérimentation…
Etrangement, j’ai commencé petit par le piano classique. Je n’étais pas spécialement doué. J’ai pris les baguettes à l’adolescence. Effectivement comme tout instrument, c’est tout une vie de recherche.Des millénaires d’histoire de la percussion derrière nous. On peut se sentir écrasé ou alors porté par cette grande chaîne. C’est complètement grisant d’avoir tout ce savoir autour de nous et de pouvoir en profiter aujourd’hui dans notre culture de mixité.
6) Que représente pour toi l’identité régionale ? J’ai pu noter, à l’écoute de Parquet et Ar Ker, qu’elle trouvait sa place dans tes créations…
“Ker est un préfixe régional…” ça doit ressembler plus ou moins à la définition wikipedia que j’utilise dans la présentation de Ar Ker.
Vaguement d’origine bretonne, je ne m’attarde pas tant sur l’aspect régional, mais davantage sur la notion de tradition quelle qu’elle soit. La transmission et tout ce que l’on peut porter et transporter, consciemment ou inconsciemment.
Ar Ker, c’est aussi la fameuse maison en Bretagne à l’origine du solo.
7) Tu collabores beaucoup, ça élargit plus encore ton champ d’action. N’y cours-tu pas le risque de te disperser, de « perdre de vue », au vu de la fréquence des tes activités, ce que tu mets en place ?
C’est toujours une grande question. Je me nourris énormément des collaborations, quand elles sont bien choisies. Mais c’est vrai que ça peut prendre beaucoup de temps sur la recherche personnelle.
Je n’ai pas encore trouvé la solution. Ca fait 20 ans que je mixe les deux et que l’un nourrit l’autre. C’est aussi très compliqué de gérer les agendas : si on ne fait pas attention, ils finissent par avoir le dernier mot.
8) L’été arrive, à quoi comptes-tu le passer ? Vacances durables ou création sonore et artistique sans discontinuer ?:)
Un été bien particulier. C’est encore très flou pour le moment. Les répétitions reprennent doucement, nous travaillons avec Parquet sur un nouveau répertoire. Le mixage de l’album enregistré l’année dernière est en cours.La sortie du solo m’a permis de poser cette musique, je suis en train d’en approcher une autre.
Je prépare également quelques enregistrements, les finitions de mon studio et la reprise de Horns en novembre au Théâtre de Vanves.