A quelques jours d’une ressortie fixée au 20 juin, par le label ICI D’AILLEURS, de ses premiers efforts, Diabologum répond aux questions de Muzzart…
1. Qu’est-ce qui a motivé le désir de ressortie de ce que j’appellerai « l’intégrale hors #3 » de Diabologum, à savoir ce superbe recueil intitulé « La jeunesse est un art » ?
Pierre Capot: C’est le label « Ici d’ailleurs » qui est à l’origine de ce projet, qui semblait aussi intéresser d’autres personnes. C’était dans l’air depuis un moment. Bien sûr, #3 a écrasé les débuts du groupe. L’album a eu un tel retentissement que la presse a vite balayé ce qui précédait. A l’époque, la sortie de ces disques avait touché un public très confidentiel, provoquant des réactions assez contrastées. Néanmoins, le ton et la forme décalés dans le paysage du rock français de l’époque avaient titillé quelques oreilles. Par la suite, au moment où le groupe accédait à une certaine notoriété, ses premiers enregistrements devenaient introuvables, ce qui a pu frustrer une partie du public. Malgré l’arrêt de l’activité de Lithium, il nous a semblé intéressant de redonner accès à ces titres.
Anne Tournerie : Évidemment ça nous fait très plaisir de voir ressortir ces deux premiers albums.
2. Quelle signification, d’ailleurs, émane de son titre ?
Pierre: C’est avant tout des albums de jeunesse, des albums de formation, de bouillonnement, d’enthousiasme parfois un peu brouillon. Une certaine fraîcheur, peut-être même une certaine inconscience s’en dégagent. Quant à la référence à l’art, elle nous colle à la peau, et il faut reconnaître que l’on n’a rien fait pour s’en détacher : Du visuel aux références, de « L’art est dans la rue » à « on dit que l’art est mort »…
Anne : Ce titre est un emprunt, une citation détournée de plus …
3. Tu as déclaré en interview, Michel, que le groupe était à cette époque une véritable éponge, imbibée d’influences diverses. Il semblerait pourtant que vous ayez, très vite, trouvé votre identité ?
Michel Cloup: C’est ce qui est beau je trouve avec ces premiers enregistrements, c’est qu’on assiste à la construction d’un groupe. Diabologum, c’était un laboratoire où nous pouvions expérimenter librement.
Pierre: L’image de l’éponge me semble assez bien coller : un truc plutôt mou et souvent imbibé… Sinon, on retrouve cette idée de jeunesse et de formation. On s’est construit en étalant nos modèles, et puis en les mélangeant, en trouvant des courts-circuits entre nos références. C’est peut-être ça qui a permis de faire émerger cette identité.
Anne : L’éponge c’est aussi le côté : « on presse et ça sort ». Tous ces sons, ces images, ces livres, il fallait que ça sorte, d’une façon ou d’une autre, et ça sortait, par tous les pores.
4. Plus de 20 ans après leur parution, quel regard portez-vous sur ces morceaux ? J’avoue pour ma part, à l’écoute, en adorer le côté « foutraque et lo-fi »…..
Michel : Avant d’écouter les masters pour l’édition vinyle, j’avoue que j’ai eu un peu peur. Puis finalement, je n’ai pas trouvé ça si atroce, j’ai même été traversé par une certaine fierté. Ces deux albums sont radicalement différents et chacun dans son registre atteint à peu près son objectif. On nous parle souvent du troisième comme étant à des années lumières des deux premiers, mais je trouve qu’il y a aussi un gouffre entre ces deux disques. Vendredi, il y a eu une petite chronique sur France Inter avec des extraits diffusés et je me suis dit : « Pas mal quand même pour des disques sortis il y a presque trente ans. »
Anne : Pour ma part, je trouve ça assez culotté.
5. Comment, lorsque Diabologum a vu le jour, fonctionniez-vous en interne ? La dynamique de groupe de l’époque diffère t-elle, selon vous, de celle des formations actuelles ?
Michel : Sur le premier album, il y avait un 4 pistes branché chez Pierre et Anne et nous enregistrions directement, parfois à deux, à trois ou à quatre. Quelque chose d’assez proche d’aujourd’hui dans l’approche du home studio qui s’est véritablement démocratisée. À l’époque, sortir un disque enregistré à la maison sur du petit matériel était assez audacieux, voire impensable. Dominique A avait ouvert la voie en France avec « La fossette ». Pour le second album, on a cassé tout ça pour vraiment essayer de fonctionner comme un groupe traditionnel, avec des répétitions et un enregistrement en studio.
Pierre : Le côté collage du premier album vient de cette absence de répétition. La composition et l’enregistrement coïncidaient presque, un peu comme si le 4 pistes avait été utilisé comme un instrument.
Anne : On fonctionnait comme un groupe de copains, sans être forcément collés ensemble puisque pour le deuxième album notamment, on ne vivait pas tous à Toulouse, et qu’il a fallu pas mal s’organiser pour pouvoir répéter et enregistrer. Mais ce qui formait le groupe, c’était un état d’esprit, une certaine façon de voir et d’apprécier les choses. Pour le premier album, ça ressemblait à une impro, quand chacun voit comment il peut s’insérer dans la proposition de l’autre. Sans plan préalable, mais avec une écoute, une intention commune. Par exemple, Michel passait à l’appart et me faisait : « Tu as 10 minutes, là ? On a besoin d’une prise voix », et c’est comme ça aussi que certains copains ont participé aux morceaux : ils passaient par là, on leur disait : « Tu as 10 minutes, là ? ».
6. En quoi consistait votre intervention sur FMR, Radio Toulousaine alors à dominante musicale « mais pas que » ??
Michel : L’émission s’appelait Infra, on écrivait des textes que l’on lisait sur des collages sonores, c’était très free style, bouillonnant. Nous étions des Infristes, des moins un, une version 90 de mouvements artistiques tel que le dadaïsme ou le situationnisme, faite par des étudiants de 20 ans qui allaient très peu en cours.
7. Quand sort votre premier album « C’était un lundi après-midi semblable aux autres. », en 1993, quel est votre ressenti ?
Michel : On s’est demandés pourquoi un disque aussi génial vendait si peu !
Anne : Il y a eu un grand moment d’hésitation avant : pouvait on sortir ce disque? Etait-il « sortable » ? On a fini par décider que oui, et après on s’est dit : « Oups ! C’est fait ! ».
8. Vous signez d’ailleurs, dans la foulée ou presque, « Le goût du jour », mais aussi 2 ep’s. Qu’est-ce qui explique cette créativité ? Celle-ci me rappelle d’ailleurs, à l’instar de tout ce que vous avez pu sortir, le bouillonnement créatif de la scène française du moment…
Michel : À l’époque, l’économie du disque était radicalement différente, il y avait plus de ventes et donc d’argent, cela permettait de sortir des formats courts comme des 4 titres ou des 45 tours. On retrouve cette liberté avec le numérique aujourd’hui. Ces EP’s nous permettaient de caser des titres qui ne rentraient pas forcément sur un album, ou de composer des nouvelles chansons. Diabologum était un groupe en ébullition, qui partait dans tous les sens.
9. Vos essais avaient-ils déjà, comme au sein du Michel Cloup Duo actuellement ou encore chez Mendelson, une portée « sociétale » ?
Michel : Non, pas vraiment, c’est venu plus tard avec le #3.
10. Question «blagueuse» pour finir ; vous envisagez de tourner ?? (rires)
Michel : L’autre jour je me disais que dans le futur j’aimerais bien proposer à tous les membres du groupe (première et seconde époques) d’organiser une soirée Diabologum & friends, où on jouerait des titres des 3 disques avec des invités. Plus une soirée autour de Diabologum, pas vraiment une reformation.
Anne : Bon, on va faire du café, alors.