Formé à Hong-Kong, en 2006, par le musicien indien Indrayudh Shome, épaulé ici par Camden Healy: Bass, Nathanael Totushek: Drums, Brett Zweiman: Percussion/Vocal/Electronics, Matthew Couto: Synthesizer et Srinivas Reddy: Tanpura, Queen Elephantine s’adonne à un psychédélisme d’avant-garde que de nombreuses sorties discographiques ont mis en (grand) relief et qu’une série de trois ep’s, dont ce Tribute to Atrophos Vol II est en toute logique le second, valorise en nous tenant en haleine, dans une épopée unique, sur des durées conséquentes. Trois morceaux, ici, suffisent à capturer n’importe quel auditeur à l’esprit ouvert. Le clan désormais basé à Philadelphie improvise et très juste il vise, se basant sur un blues d’ailleurs que Synthetic mist, aux seize minutes psyché enfumées, paumées dans le désert où librement elles errent, met superbement en avant. Par sa répétition, le morceau s’incruste, s’agite ensuite. Il allie pulsions tribales, incartades soniques et finesse d’un jeu aussi magique que sans chaines. On peine à croire que sur ces trois plages, Queen Elephantine ne pose aucun cadre précis. Sa symbiose lui permet, assurément, de bâtir une suite sans précédent, sonore et en or, à laquelle il convient certes de s’accoutumer mais qui, passé l’effort, génère justement…l’accoutumance.
On en redemande alors, selon un dosage au moins égal, pour ressentir les mêmes sensations, ce même sentiment d’évasion totale. Burning spectre est moins long mais tout aussi dépaysant. Queen Elephantine envoûte en se répétant, la batterie impose ses déferlantes, la saturation côtoie la subtilité d’un jeu hautement inspiré. A la fois céleste et très physique, charnel et spirituel, le blues de cet ensemble unique ne se plie à aucune forme de normalité. Ca le rend d’autant plus significatif, il déambule et s’il semble sans but, sans destination prédéfinie, il s’avère hautement cohérent.
Il stimule l’esprit, Ash et ses incantations monte dans les cieux, une fois de plus batterie et percus entament une sarabande percutante. Mêlé à la voix, orientalisante, possédée, ce génial tintamarre place Queen Elephantine, de façon définitive, dans la case de ceux qui refusent les cases. De plans remuants en retombées vaporeuses, de chants racés et colériques, habités, en encarts dépolis, il est inconcevable, à l’écoute, de ne rien éprouver. Si le Tribute to Atrophos Vol I était déjà immersif en diable, ce volume II le prolonge imparablement. On se référera d’ailleurs à l’ensemble des ouvrages d’Indrayudh Shome et consorts, ensorcelants, pour s’y oublier, s’y purger, y trouver avec jubilation une autre forme d’expression musicale.
Ca sort, tout ça, chez Atypeek Music sur le sol français. Nul étonnement à ça, c’est tout sauf typique. On y trouve du blues, incontestablement, déviant, mais aussi des plans doom, noise ou encore free-jazz, passés au tamis d’un artiste, et de son projet servi par des intervenants investis, dont la découverte laissera dans nos caboches des traces indélébiles. Magique, mystique et Atypeek.