Mazette, c’est du génie! Entre 1989 et 1994 BT 93, jeune cadre désabusé à et par l’époque, nous concocte des chansons foncièrement anti-capitalisme (il voyait déjà très juste) qui, ce jour, voient le jour et affichent une lucidité dingue. C’est donc en ce mois de juin que l’album, vingt ans et des désillusions après donc, sort. Notons qu’après avoir composé ces merveilles, seul dans sa chambre, le gaillard a essuyé un refus de Boucherie Productions. Surprenant! Bref…on trouve, d’emblée, sur ce disque éponyme, un Bronx generation ou synthés séduisants, groove un brin funky et fumée new-wave accompagnent, suivant un groove irrésistible, des paroles légères dans leur atours offensifs envers les guignols de ce monde. Le profit en prend pour son grade, le registre, bien que conçu fut un temps déjà, n’est en rien rétrograde, loin s’en faut. L’excellentissime Say what you said, claviers à la B 52’s et atours post-punk un brin soul dans le chant, prend le relais avec autant de brio. Rythme vif et spoken word narratifs, à la Gainsbourg dirait-on, donnent du cachet au morceau. Une envolée synthétique volubile le porte vers les sommets, quelques motifs dépaysants itou. Références, appelé à devenir une…référence, alerte et expressif, ironise à son tour sévère. Son name-dropping corrosif, sa pléthore de…références mettent un joli coup d’épée aux « grands des écoles », de petites gens au final. Notons que Le clip de ce Références, réalisé par Yannick Dangin-Leconte (Stupeflip vite!), et interprété par l’écrivain et performer Yves Tenret, développe une vison d’un capitalisme fou, générant des individus de plus en plus dépassés. Les silhouettes animées ont été créées image par image à partir de portraits de BT93, réalisés par la photographe Laurence Trémolet à La Défense en 1993, et qui composent aussi la pochette de l’album.
Musicalement, on reste dans ces teintes 80’s diablement plaisantes, l’opus étant l’addiction de la semaine, avec le split La Jungle/Hyperculte, en ce qui me concerne. L’Enarque est un régal (la chanson, pas l’homme qu’elle « honore »), cuivré, acidulé par des encarts de guitares, truffé de mots qu’on retiendra. « Virer c’est facile », « Les p’tits cadeaux, ça date pas d’hier », entre autres constats malheureusement de mise en notre ère du creux et du fourbe. Mince, me voilà accroc à cette came sonore et verbale. Cadre qui sort du cadre, BT 93 instaure ensuite la coolitude reggae comme moyen de dénonciation (La hiérarchie chie, merveille adressée aux « dirigeants »). « La hiérarchie, chie…dans son froc en or massif ». « Leurs couilles se sont fait la malle ». Complètement démarqué, BT 93 risque fort, avec un tel album, de gagner des adhérents. Chasseur de tête, saxo suave en tête, se fend de ce même ton délié, qui relate l’amertume avec légèreté. Cordes et orgue, simplicité touchant à l’ingéniosité, voilà une autre réussite indéniable.
Les nuits d’un ex-winner, tout aussi éclatant sur le plan musical, joue des gimmicks, d’entrée, accrocheurs. On navigue pour le coup entre élans jazzy, chutes psyché et sorties de route un tantinet expérimentales. BT 93, avec ses « vieux » titres, va truster la reconnaissance. Nous l’espérons en tout cas car son oeuvre, majeure, nous vaut d’ores et déjà maintes écoutes poussées. Sur le dit titre, un break survient puis on repart en terres…trip-hop/jazz je dirai, subtiles et savamment pensées. Les synthés de Pas ce soir mais peut-être demain, son abord électro-pop bavard, sa vigueur aux airs de brise qui caresse le visage et génère des bienfaits, son saxo bien beau, en font un must. Le mot reste inspiré, la rime aiguisée. On n’est pas sérieux avec les filles, ensuite, joue presque dub; il fera gigoter les bodies. Il dézingue dans le même élan, et joliment, l’illusion, fausse, donnée à la gent féminine. Avec les ressources inhumaines, dont l’intitulé résume tout, accouple classe du chant, narquoiserie et savoir-faire sonique.
Enfin Pour la défonce, de sonorités exotiques en incrustes moins polies synonymes de…défonce, ramène ses notes et permet à l’ancien cravaté, depuis longtemps déniaisé, de mettre à notre disposition un opus dont la « résurrection » constitue une initiative brillante, à l’instar de la totalité de son contenu. Découverte impérative!