Quand Unknown Pleasures Records débusque du cold, on est sûr, premièrement, d’une chose: ça sera du bon! Puis, à l’écoute, on se prend une volée de jets froids, jamais uniformes, dans l’buffet. Avec Icesun et son Iceworks prémonitoire, c’est ce que à quoi on peut s’attendre et s’exposer. Alors on y va, l’investigation de talents nouveaux ne peut qu’être porteuse et Militia, lui aussi « annonciateur », débute par des chants militaires avant de sonner la charge, Famas au poing. Ca ne l’empêche pas d’insuffler du clair, du subtil dans les accords, de front avec un chant samplé. Puis arrivent les saccades de la basse-batterie, une voix, des voix plutôt, cold. La machine est lancée, elle monte en intensité. Sur le point de rupture, elle y reste suspendue. Le discours de fin, lui aussi, vaut bien qu’on y prête une oreille. Icesun, en plus d’enfanter des climats qui nous tendent leur ombre, ne raconte pas le creux ni ne le sonne. My bluberry haze, lancinant mais porteur de sons acides, plonge dans le rêve et brusque ce dernier. Voilà l’atout numéro un, parmi d’autres, du clan « from Paris »: mettre, dans le même panier, tons songeurs et incursions mordantes. Le tout consiste en une sélection de l’EP et LP du groupe, remastérisée. Ca sonne juste, Monte Vallier (Swell, The Soft Moon) a même pris part au mix de Digital sex. C’est par ailleurs Laurent Morelli qui produit, le Leave de Violet Stigmata est repris dans un habit cold aux guitares ayant les crocs.
The toxic in me, en se faisant crooner dans sa froideur, convie Fate Fatal à poser son chant. Ca donne de l’envergure, on reste dans une lignée fidèle et captivante pour tout amateur du créneau usité. Love in a panzer, tout un programme, fait péter les sirènes et, surtout, chute dans un abîme de grisaille. Le ton des vocaux attrape l’oreille, l’atmosphère la garde captive. Si on s’en est tenu, jusqu’alors, à des déroulés plutôt mid-tempo, The last ride passe lui la cinquième. L’enchaînement des dix titres est sans failles, entre cold et post-punk Icesun nous amène de la glace, souvent, du soleil, un peu, de manière éparse. C’est dans nos sens, avant tout, qu’il sème de la félicité et un trouble évasif.
Digital sex, à l’électro-cold cinglante autant que trippante, tamise un groove à l’envoûtement psychoactif. Ce morceau se trimbale entre ciel et terre, entre « cinglance », donc, et trouées célestes. Ses roulements de batterie en font une esquisse obsédante, obsédée peut-être aussi…par la réitération. On ne l’en blâmera pas, la démarche finit par générer un trip qu’on appréciera. La basse de Cold inside pulse, les drums lui sont greffés. On se précipite, on tempère, la tendance est toutefois à l’alerte. Le flux du morceau, et ses petites sonorités en bordurage, nous embarque. Icesun fait ce qu’il faut, et plus, dans sa mouvance favorite. Il imprime son cachet, fait preuve de panache. Bon cru, Iceworks augure de belles choses encore à venir.
En sa fin, Down to the water s’appuie sur une durée plus amplifiée, empreinte, encore de ces saccades notoires et d’une ambiance dont il n’est pas aisé de se défaire. Il y a ce je ne sais quoi de psychédélique, quand le quintet répète ses plans, qui se fait entendre. C’est aussi là que son emprise se raffermit, qu’il nous touche de façon prégnante. Sad blue eyes, dans un cheminement aussi peu empressé, hérissé de notes rudes, d’une base rondelette (on sait, chez Icesun, tirer le meilleur de son instrument, à l’écart de toute attitude frimeuse), vient finir et accomplir un p+++++ de disque, « climatico-énergique », fréquemment traversé par des bruits dérangeants, affublé de milieux à l’attraction affirmée. L’ultime chanson, d’un coup, s’emballe. Elle s’achève dans le tourment sonique, dans le dialogue vocal entêtant. Découverte sans aucun déplaisir, au bout du compte et de l’aventure, pour les fiables Icesun et leur solide Iceworks.