Revenu au premier plan avec une compilation sortie en 2017 et recueillant ses travaux avec Natacha Atlas, Transglobal Underground opère cette fois un réel come-back puis qu’avec ce Walls have ears, c’est du tout nouveau que la bande londonienne nous sert. L’envoûtante chanteuse prend part à deux titres, d’autres invités y vont de leur flamboyance vocale et les élans world du groupe font, sans attendre, sensation. Le cuivré City in peril, pulsions reggae-dub authentiques dans le baril, break à la trompette en bonus de marque, ensoleille déjà la place en dépit d’une thématique grave. On opine du chef, le registre épicé des Anglais semble n’avoir en rien faibli dans l’impact sensoriel qu’il engendre. Natacha fait s’envoler Ruma Jhuma, aidée en cela par Sheema Mukherjee. Le dépaysement guette à nouveau, prêt à bondir sur l’auditeur dès les premières secondes d’écoute. Les percus, alliées à des sons subtils, accroissent l’impression que l’esprit, accaparé, quitte ses bases et se met à vagabonder. The people carrier, détendu, soul et reggae, délie plus encore les sens. Le rendu est bon, nul ne s’en étonnera, mais peut-être encore un peu « sage » dans le son. Bloodshot eyes, où Tuup se distingue, louvoie entre psychédélisme et trip-hop assombri. Il va sans dire qu’avec un tel ensemble, on pose bien peu de barrières.
Notons par ailleurs que le Bandcamp de Transglobal Underground met à disposition des rééditions d’albums (Moonshout ou The stone turntable, par exemple) dont l’audition, conjuguée à l’effet de ce Walls have ears, disséminera sa dose de bonheur dans les écoutilles. Mind the gap, rythmé, métisse comme un Skip & Die, comme un Asian Dub Fondation. On aime ces équipées audacieuses, qui transcendent les genres pour enfanter, à l’arrivée, leur style bien à elles. Polo neck, clippé sous ce paragraphe, met de l’agitation, sort d’une certaine réserve -accrocheuse cependant- inhérente à l’opus, entre électro, incrustes funky et sonorités bien trouvées.
Stand up, dans l’élan, se montre lui aussi cadencé, use de sons une fois de plus ingénieux. « Madame Atlas » et Sofiane Said ensorcelent le rendu, qui se pare de sons rock eux aussi bienvenus. On adore quand « T.G.U. » se fait rugueux, acidule ses chansons, leur insuffle du piquant en plus du trip qu’irrémédiablement il provoque. Riche, Walls have ears est un disque qui ne se livre pas de prime abord; il faut s’y plonger, en intégrer toute la teneur, en saisir tous les détails. Au bout du compte, on en a pour notre compte. Ses nappes orientales, magiques, produisent un effet monstre. Joué à volume élevé, c’est une certitude, il t’emmène ici et là…où tu n’es jamais allé. On a même droit, sur Chant sans adresse, à l’usage de notre langue-mère, sous l’impulsion de Nawel Ben Kraïem. Une fois de plus, on décolle. Les percus s’incrustent, marquées ou effacées. On lévite…
Dans le rayon trip-hop enfumé, oriental aux saveurs groovy, Return of the Green Spider est magique. Reflets jazzy et musicalité de tous les instants, finesse et encarts plus enlevés forment un tout imprenable. C’est là que Future ghost, Natacha y étant à l’oeuvre, assied définitivement l’envoûtement né d’un disque racé, assez peu trépidant mais constamment attrayant. Ici, voix dans les étoiles et fond sonore du bout du monde suffisent à attraper l’auditeur, suspendu. on termine sur Way down the river (part one), aux trémoussements électro-soul qui solliciteront les corps. L’attraction est aussi vocale, Loretta Heywood et Ingrid Webster font voleter l’ultime titre d’un disque qui, passé deux ou trois immersions, court le risque de vous posséder. Dans une veine moins remuante que de coutume, certes, mais tout aussi captivante et aboutie.