Issu de l’île d’Eigg, Pictish Trail est le projet d’un seul homme mais Thumb World est annoncé comme étant son album le plus collaboratif. Porteur d’une électro-pop qui plonge dans le songe mais n’oublie pas de vivre (Double sided), celle-ci revêt de belles mélodies, scintille (Pig nice) et son chant, délicat, en ravive la couleur. A l’écoute, pas de révolution mais de l’habileté, un joli petit monde, léger et bien pensé, virevoltant quand il s’y met. On le décèle, d’ailleurs, dès le gentiment expérimental Repeat neverending, dont les bruits ont toute notre écoute; dans sa pop polie mais un peu espiègle, l’insulaire place des ornements de choix. Il relève son menu, digeste, en l’épiçant ça et là d’incrustes acidulées. Le rendu est, de façon simultanée, beau et peaufiné. Assez entraînant, à côté de cela, pour ne pas égarer son auditoire. Pictish Trail s’amuse, Lead balloon exhale une électro-pop honnête un brin déviante. Tantôt dans l’errance, mesurée, tantôt sur des plages plus prévisibles, il résulte de ce Thumb World un équilibre certain.
On aimera notre homme quand, comme à l’issue du dit morceau, il se met à faire du bruit, à virer noisy. Ca lui va bien, ça nous surprend et au final nous y trouvons notre compte, mieux disposés à la surprise qu’à des contenus attendus. Une mélancolie ressemblant à certains efforts de The Notwist, ou Troy Von Balthazar en solo (Fear anchor), se fait entendre et participe de la bonne tenue de l’opus à la pochette incitant à la réflexion.
Bien ouvragée donc, la pop du bonhomme se laisse aussi, parfois, porter par le vent (Slow memories). Dans ce format, Pictish Trail est bien loin de démériter mais, trop sensible, il me fait décrocher un court instant. Heureusement il y a régulièrement, guettant à l’arrière-plan, la petite envolée qui va bien, ici un peu sombre et lunaire. Et le timbre de voix, accompagné par une étoffe lo-fi puis pop euphorisante comme aimaient à le faire nos Bewitched Hands (Bad algebra), à l’aide d’une cadence affirmée et d’un tourbillon sonore bienvenu, donne du cachet au tout. C’est là, dans ses sentiers impromptus, que Pictish Trail est le plus probant. Il en va de même quand, explorant, il sert du son malin (Heart eyes) de nature à charmer le casqué. Il semble même que l’écoute soit, au fil de son déroulé, de plus en plus agréable. A l’image de tous ces disques auxquels il convient de revenir, dont on ne peut tout saisir au terme d’une seule écoute ou de passages distraits.
Turning back, s’il se pointe à l’orée du bout de la forêt, j’entends par là la fin du disque, dévoile aussi une durée plus étirée. Ca lui permet, sur six minutes spatiales mais alertes, de combiner le léger et les voix à la fois « en avant/en retrait » (bel effet),ceci suivant un rythme entêtant. Là où je craignais, vu la durée, du « démonstratif », du « trop soyeux », Pictish Trail anime son esquisse. Il se confirme que son savoir-faire, récurrent, l’amène à de belles choses. C’est l’éponyme Thumb world, d’un temps similaire à celui du morceau précédent, qui conclut en s’en tenant à une étoffe d’abord cosmique. A son mitan ou presque, il change de direction, livre des saccades, renvoie finalement de la vie et en surplus, un bel étayage. Qui, sur ses derniers instants, offre une pop aux limites du psychédélisme de par sa répétition. Bon album, incontestablement. Un de plus, en outre, à ranger sur l’étagère chargée du label Fire Records.