Trio parisien, Fátima joue en rangs serrés, nous trimbale entre voix à la Cobain récurrente surplombée par des riffs mastoc, plans grungy donc, détours doom et encarts d’obédience orientalisante souvent impulsés par la six cordes (Charly Chang, excellente entrée en matière). Turkish delights est son second long format, c’est…un delight. De A à Z, et de Z à A. Brut et live dans le son, bourru et mélodique, il ratisse large et déblaye sévère. Huit titres solides le créditent et en font un disque aventureux, audacieux, sans nous perdre au passage dans des méandres par trop tortueux. Saliva bath, grunge bien éraillé, fait son Bleach sans se la raconter. Rythmique carrée et guitares, comme dit plus haut, souvent massives, brodent des canevas attractifs qui font secouer les tifs. On breake pour dépayser, c’est fait de superbe manière. Nous voilà propulsés dans des terres imaginaires, l’esprit dérive et accoste d’autres rives. Une petite louche de psychédélisme rehausse une mixture déjà bien fumante mais jamais fumeuse, dont, forcément, on appréciera grandement les atours 90’s. Toy poodle, rugissant, démontre que si « doom » a été usité pour caractériser le groupe, ce dernier ne fait qu’en « piquer » le côté leste pour l’appliquer à sa démarche.
Ca le démarque et ça l’honore. Concubines of Salem, traçant, n’opère pas la moindre concession. On revient aux plus belles heures de Nirvana et consorts, on y adjoint de belles idées « made in Fátima » et à l’arrivée, avec ça et là de beaux virages plus « tranquilles », on laisse derrière soi un sacré bon skeud. Une torpille, même, durablement ravageuse. Elle me fait repenser à Mindfunk, clan 90’s aux deux albums d’un excellent cépage.
Voilà que Gooey Syrup, subtil, nous catapulte plus loin encore. Orient et opium, saveurs et couleurs, le morceau est de haute volée. Il s’ajoute aux autres essais, d’avantage frontaux, avec bonheur. Peter Pan Tights, découpé dans la même soie piquante et opiacée, laisse voler ses effluves orient-grunge. On dirait du Alice in Chains, au vu du parcours du combo du regretté Layne Staley le rapprochement équivaut à un compliment de poids. Et d’ailleurs le groupe de Seattle, quand il virait vers d’autres contrées, se voulait lui aussi déstabilisant, ceci sans jamais se dénaturer. Ca groove sans cesse, en plus, ce Turkish Delights dont on se pourlèche les babines. Rub the lamp, au moment d’aborder la ligne droite finale, abreuve son peuple de motifs qui nous extirpent, toi, moi, elle et lui, de nos repères habituels. On tournoie, en même temps qu’on braille un chant à la Kurt jamais en reste pour donner de l’ampleur à l’opus.
Ardeur et détours par les quatre coins du monde s’acoquinent avec justesse. Ce disque est un trip, original, dont le Hyena terminal enfumé et vertigineux entérine de façon péremptoire la grande valeur. Nul besoin d’épiloguer ou d’en rajouter, l’écoute est suffisamment éloquente. Turkish Delights pourrait être l’une des rondelles favorites, en cette sortie de période « recluse », d’une large frange de la population indé en quête de singularité.