Ventura? Pas difficile, je suis tombé dans la marmite lausannoise avec We recruit (2010). Le groupe suisse m’avait alors « chopé » avec son rock (très) indé qui, tout à la fois, te ramène à Sebadoh, Sonic Youth, My Booody Valentine ou encore Deftones pour ces soudains excès qui parsèment ses disques. Lors du confinement, Diego Göhring (basse) et Philippe Henchoz (chant, guitare) fouillent dans les archives du groupe et en ressortent ces morceaux issus de répétitions, dont le trio enregistre la majeure partie, pour les regrouper sous le nom de COVNTR-19 EP. L’idée est bonne, bonissime même car la collection ressortie à l’occasion est tout bonnement renversante. C’est donc de l’auto-produit retouché via un ordinateur « pour que ça chie », dixit Diego, ça couvre la période 2010-2015 et ça s’est fait avec l’ancien batteur du clan, Mike Bedelek si je ne m’abuse. Et c’est, comble de la joie, téléchargeable « gratos » sur le Soundcloud de Ventura.
The world,obviously, merveille…indé (et oui, on sait où on est chez Ventura) entre chant doux et déflagrations, climat rêveur et souillé, introduit les choses avec superbe. Entre « flemmarderie » façon Pavement et ruées noisy, c’est un morceau assez typique de la clique, donc excellent. To get kicked out, plus alerte, un peu comme si les 2 combos principaux de Lou Barlow croisaient le fer, me renforce dans mon ressenti: les titres de COVNTR-19 EP, tirés de « simples » répets’, formeraient un album merveilleux! We see, à l’atmosphère soyeuse à la The Notwist, se lance ensuite dans une embardée puissante pour, à l’issue, opérer un retour à cette quiétude magnifique qui jonche les efforts des Helvètes. Helvètes-esthètes, helvètes, aussi, irréprochables dans tout ce qu’ils font. Dans la discrétion et la modestie la plus totale, Ventura, loin des projecteurs médiatiques -si ce n’est ceux des pages « qualifiées » de type New Noise-, régale à chaque parution. Ici, on a de plus l’attrait de la nouveauté, de l’inattendu et Maria Magdalena, scories shoegaze à la Kevin Shields et consorts en son début et coups de trafalgar sonores dans le bec, le montre à son tour à son avantage. Les guitares, entre lyrisme et dérapages, brodent une couverture de choix.
You’ve set the bar, soutenu et bruissant, urgent, prolonge l’ivresse. « Servez-vous les gens », comme le dit si bien Diego, c’est pour vous! Authentiques, les bonshommes de Ventura torchent ensuite un Wannabeez and conflict lancinant, ponctué par la basse et serti de notes à la Moore, à la Ranaldo, mais aussi de riffs bien sentis. Le groove de l’indé est là, délectable, pour servir vos sens. Un mur noise maison, exemplaire à l’image de tous les ouvrages signés de la troupe dont le dernier effort en date, Ad matres, vaut lui aussi largement le détour. Ventura, depuis longtemps, a sa patte, sa griffe, reconnaissable. Son identité n’est plus à discuter, loin de là.
On en arrive à ce moment au terme du cadeau-bonus enchanteur; Chimpanzer, esquisse indus concoctée par Philipe et Diego « juste à 2 » à l’époque…de Myspace et un peu sous forme de gag, vient finir le boulot et étendre l’effet de surprise d’un EP généreux, d’une part, et, d’autre part, d’une qualité bluffante et constante. Excellente extension, donc, à l’album cité plus haut. A vous de jouer, vous n’en manifesterez aucune forme de regret…