Duo lillois flirtant avec le post-punk et l’indus, l’électroclash et je ne sais quoi encore, Dear Deer génère à l’arrivée son propre style. Celui-ci, persuasif, personnel, à la croisée de courants divers, navigue à vue. Peu importe, Federico Iovino alias Popoï sdioh (vocals, guitars, kbds, programmings) et Sabatel AKA Cheshire cat (vocals, bass) ont déjà sorti 2 albums très notables et ici ils nous font le coup, réjouissant de A à Z, d’allier quatre sessions « home made », enregistrées en mars et avril de l’année en cours. Sans vous en rappeler les circonstances, pas très envie et puis la redondance à ce sujet me révulse, notons que ces lives à la maison répondant successivement à ces jolis petits noms: We can play in a living room, We can play in a kitchen too, We can play in a dining room et We can play in a bathroom too, dans l’ordre croissant de leur survenue. Ca nous donne, au final, ce We Can Play In A Living Room tranchant, où seize titres se disputent le titre à l’occasion d’une bataille remontée. Disco discord génère d’ores et déjà mon adoration; folie du chant, voix unies, esprit canaille et lo-fi, post-punk écorché et « Ouh-ouh » charmeurs, sur lit de riffs secs et de basse ronde, assurent la première collision. La boite à rythmes ajoute de la sécheresse, de l’aride bien cinglant, à cette prestation que déjà, on pressent intense et sans chichis, jouée sans atermoiements. Et vas-y que j’te balance de l’indus, bien post-punk tout de même avec Clinical physical, imparable. C’est une certitude, la paire dispose d’un arsenal que le live transcende. J’entends parfois The Fall, à l’écoute. C’est pas le moindre des compliments et la dérive des sons, profitable, sertit l’ensemble. Stracila évoque le jeu des B 52’s, inventif, avec les synthés. Le décor est noir, le ton électro-dark. On se balade entre 80’s et modernisme minimal, entre Jeunes Gens Modernes et A man and a machine. Deadline groove grave, dans une sensualité insoumise. Dogflight slappe Gang of Four, projette des nappes spatiales. Jog, chat, work & gula-gula laisse jouer, et dévier, claviers et instruments. Les gimmicks pleuvent, t’abrites pas, c’est mieux de les prendre sur le coin de la trogne.
Ici le tempo se pose, mais s’emporte ensuite. Et la folie, c’est bon la folie quand on joue, demeure. Elle est porteuse et fructueuse, Claudine in Berlin s’en couvre pour faire pulser une trame post-indus machin-chouette au mariage vocal estimable. Thanatomorphosis boucle avec bonheur, dépayse un peu. Enfin je crois, j’y entrevois le Bosphore. C’est dire le pouvoir de la zik, j’entends par là celle qui, vraie et vécue, habitée (c’est le cas, en l’occurrence, de le dire), fait voyager. Dear Deer, quand il retombe, reste accrocheur. Sa symbiose est plus qu’évidente. Nadia Comaneci et ses ritournelles Roumaines (je blague, c’est plutôt une électro déphasée qui caractérise le morceau), enfonce l’enclume -pas le clou, c’est trop peu impactant- d’un registre captivant.
https://www.facebook.com/deardeerfr/videos/1110260426001825/
Arnolfini, à sa suite, impose ses stridences. Trop bon. Ses sons de fond transportent. Dear Deer maîtrise complètement l’exercice de la prestation à domicile. Statement se pare, dans l’élan, de fulgurances priSes dans le rythme asséné du titre livré. Czekaj na nas, punky et riot, sort les griffes. Je pense à Sloy, cette fois. Seules les références élevées surgissent à l’écoute, confirmant la haute tenue du bazar. L’éponyme Dear Deer, tapageur, percussif, libère la rage vocale et lourde du son brut en veux-tu en voilà. Ozozooz, porté par, justement, ces chants unis dans leurs écarts, m’évoque une rixe entre Pravda et les Kills. On en a largement pour notre argent, qu’il sera bon de consacrer à l’achat de l’objet. Et c’est pas fini!
Il nous reste en effet, pour finir de suer, deux nouvelles chansons. JJR, baigné dans un jus post-punk émaillé de sonorités addictives, tire la première cartouche. C’est plus la peine, on est déjà sur le flanc. Les notes de claviers sont jouissives, le rythme soutenu. Dear Deer a réussi son coup; il nous malmène, nous met des mornifles, nous repaît de morceaux de haute volée. Life in a rewind, machines folles à l’appui, gicle de partout. C’est l’ultime raclée, qui en plus de conclure brillamment nous prouve que le groupe, solidement étayé par sa discographie, sait trousser de la nouveauté qui dézingue les caboches. Excellente cuvée, produite qui plus est directement chez le récoltant.