La Chasse, c’est un duo marseillais, féminin, comprenant Ju Bush (Bass Guitar / Vocals) et Mona Servo (Drum/Vocals). Après un premier effort déjà colossal et deux splits K7 avec Cancer et Avale, voilà que déboule ce Sidera…sidérant, massif et groovy dans son opacité, qui continue à oeuvrer dans le sens de la ferme volonté des 2 sudistes; mettre à bas les frontières entre doom, no-wave, penchants bruitistes et beauté sépulcrale. Les bergères de l’apocalypse, ambiance enfantée dans la noirceur aidant, développe d’abord un drone auquel la voix, incantatoire, succède. Les cordes se font entendre, lourdes, charnues. La batterie saccade, le climat est certes obscur mais étrangement, il nous fera nous mouvoir. Pavé leste et puissant, le morceau d’ouverture plante une première banderille décisive. Je pense à Kill the Thrill, autre combo marseillais dissident, pour l’atmosphère. Boue, chant « élagué » en sus, démontre que dans le clan, on sait associer le clair et l’obscur, les plans pachydermiques avec des élans célestes. Un peu comme chez Mars Red Sky, pour le coup et si ces références prestigieuses surgissent, c’est bien évidement que les 2 dames sont parfaitement à leur affaire dans ce registre. Lapis lazuli, de son psychédélisme cold, le prouve; Ju et Mona détiennent les clés d’un territoire à elles seules, envoûtant dans ses atours black (métal). C’est un peu la grand-messe, on y assiste telle une poignée de fidèles entièrement convertis.
La rythmique nous piétine, les voix donnent du timbre; il y a de la féminité, évidente, dans ce déluge de titres sans appartenance précise. Glycin et petit rosier unit chant clair -ou presque- et soubresauts d’un poids considérable, dans leur contours comme dans les traces qu’ils laisseront à l’issue. Dégagez le terrain, Meretrix arrive, opulent et écrasant. C’est prenant, ce son. Ca vrille les sens, ça possède et dès lors qu’on est curieux de cette différence foncièrement indé, on risque fort d’en être dépendant.
C’est de plus Seb Normal (The Feeling of Love, Le Chemin de la Honte) qui a mixé et enregistré le disque, Julien Louvet (Replica Records) l’a masterisé et à regarder la liste des labels impliqués, le doute n’est pas permis. C’est d’la bonne Elton! Les nouvelles ordalies, de ses secousses noises assénées, aux empreintes profondes, pousse la démarche plus loin encore. Dans la nuit, dans des ténèbres que de temps à autres les filles éclairent (à la torche et à la corde…vocale), où il est bon de traîner jusqu’à l’ultime accord. La lumière, si on peut dire, vient d’ailleurs d’un magnifique Doloris. L’esquisse est cold mais subtile, elle tranche magnifiquement avec la dominante gris-noir impulsée par La Chasse. Celle-ci est fructueuse, elle permettra à ces deux-là de gagner d’autres « socios » après écoute.
Sye sye sye, dernière sarabande dansée dans la caverne, suit cette même voie un brin élaguée, sans toutefois se déshabiller d’une noirceur qui fait, de toute façon, l’un des attraits du projet. Les atours qui lui sont donnés font de Sidera un disque addictif, à écouter sans pause. Hors-cadre et ensorcelant, il apporte la preuve par huit (titres) qu’au sein de la sphère indé et passionnée, vouée corps, jours et âme au son « autre », existent des projets décalés passionnants et ce, en nombre élevé.